vendredi 20 mai 2011

Les Plantes vernales, épisode 5 : Lathrée clandestine

Il en est des plantes comme des animaux : certains sont exubérants quand d'autres préfèrent passer inaperçus. Dans les deux cas, ils ont de bonnes raisons, parmi lesquelles se trouvent en bonne place "avoir une descendance nombreuse" et "ne pas finir en biscuit apéritif pour quelque chose de plus gros que moi". 

Et bien aujourd'hui, c'est une championne de la discrétion que je vais vous présenter. Une plante étrange dont les particularités aberrantes feraient pâlir de jalousie un écrivain d'heroïc-fantasy porté sur les champignons hallucinogènes. Une plante que Dieu a du créer un jour où il s'était levé du pied gauche. Une plante dont la couleur et la forme évoquent respectivement un tee-shirt gothique et une lanterne du XVème siècle qui se serait trouvé sur le passage d'un troupeau furieux d'hippopotames nains. Une plante que même un... Non, je préfère m’arrêter là. Sinon vous risquez de ne pas vouloir lire la suite. Suite à laquelle nous allons passer maintenant.

Plus prosaïquement, cette plante appartient à la famille des Scrofulariacées, comme la Véronique petit-chêne (nom charmant) et la Ruine de Rome (nom un peu moins charmant). Quand à notre héroïne, elle a hérité d'un nom qui en dit long sur ses habitudes : la Lathrée clandestine (Lathraea clandestina). Car clandestine elle l'est, et d'une drôle de façon. Certaines plantes son discrètes par leur tailles, d'autres par leurs couleurs ou encore leusr formes. La Lathrée, elle, a décidé d'aller plus loin. Alors elle s'est débarrassée de sa tige, de ses folioles puis de ses feuilles, ne gardant plus que son rhizome couvert d'écailles blanchâtres malgracieuses et, le temps d'une saison, ses fleurs étranges et inquiétantes. Fleurs que voici :


Une sacré drôle de bête, n'est-ce-pas ? 

Cela, c'est tout ce que vous verrez de notre héroïne, à moins d'être une taupe (Talpa europaea) ou d'être armé d'une bêche lors de vos ballades forestière, hypothèses toutes deux des plus improbables. Car l'écologie de cette plante est des plus particulières. Totalement dépourvue de chlorophylle, elle ne produit pas la moindre portion de sa nourriture, comme le fait la plupart des autres plantes. Mais alors comment fait-elle ? Facile, il suffit de se brancher sur le réseau, pour ainsi dire. Ses racines, tentaculaire ensemble tenant plus du poulpe que du raton-laveur, se greffent sur celles des arbres environnants et pompe une partie de leur sève. C'est pour cette raison que la Lathrée ne se trouve qu'à proximité d'arbres, chez lesquelles elle prélève une partie de leur sève, tel un percepteur des impôts violet-vif.



Une des fleur en gros plan. Celle-ci a une petite fantaisie dans le pistil, comme un monstre qui aurait un torticolis à la langue.

Mais un fois l'an, sa vie souterraine lui pèse. Pas facile de faire des rencontres quand on est immobile et qu'on réside plusieurs centimètre sous les feuilles mortes (essayez, vous verrez). Alors plutôt que de passer une petite annonce dans le journal du coin, elle se décide à sortir un peu de son anonymat souterrain. Elle fait alors pousser tout un groupe de ces fleurs étonnantes que vous connaissez maintenant. Cependant, sa timidité maladive ne tardera pas à la reprendre : sitôt ses fleurs fécondées, elle se dépêchera de faire disparaître toute trace de son existence à la surface du sol.
C'est une discrète, vous dis-je.
Mais une discrète habillée en fuchsia.
Alors cherchez-là, et vous la trouverez peut-être.

jeudi 5 mai 2011

Les Plantes vernales, épisode 4 : Lunaire annuelle

Une fois n'est pas coutume, nous expliquerons le pourquoi du nom de cette plante en fin d'article. Juste histoire de ménager un petit suspense.
Commençons donc par autre chose. Son aspect par exemple. Après tout, il est plutôt pratique, lorsque l'on parle d'une plante, de savoir à quoi elle ressemble. Et bien en l’occurrence elle ressemble à celci :

Cette fleur a au moins l'avantage de ne pas passer inaperçue. 

Je vais vous demander un peu d'attention. Pourriez-vous compter les pétales de ces fleurs ? 
...
Alors ? 
Si vous avez compté 4, vous êtes mûr pour un doctorat en mathématiques. Cette simple observation, superflue au premier abord, nous indique en fait une chose importante à propos de cette plante : elle appartient à la famille des brassicacées (anciennement appelées crucifères en raison de leur fleurs plus ou moins en forme de croix du fait de ce nombre particulier de pétale). Cette famille comprend les Cardamines, l'Alliaire, le Cresson mais aussi les Radis, les Choux et le Colza. Une famille importante, donc, que ce soit par le nombre des espèces ou les utilisations de celles-ci.


La Lunaire, en période de floraison est une plante de 40-50 centimètres de haut affectionnant divers habitats, que ce soient des prairies ensoleillées, des sous-bois plus ou moins humide ou le bord d'une route de campagne. Elle est également assez utilisée à des fins ornementales, et ce pour deux raisons. La première, c'est qu'elle est très jolie vivante. La deuxième, c'est qu'elle est très jolie morte. La preuve en image.


Diantre, fichtre, par la malepeste et autres jurons obsolètes ! Mais oui, c'est bien elle : la Lunaire annuelle (Lunaria annua) est en fait la plante que l'on nomme plus souvent "monnaie du pape" ou "herbe aux écus". Ces deux noms, elle ne les mérite qu'après son trépas. Les excroissances (appelées siliques)  au bout des tiges contiennent les graines de la plantes. Une fois sèches, les membranes latérales tomberont et laisseront s'échapper la semence, ne laissant sur la plante que ces disques délicats ayant donné ses noms à la plante.
Ça doit être frustrant d'être nommé d'après sa dépouille.
Vous imaginez ?
Auguste Cubitus, Emma Clavicule, Jules Rotule, Alexandra de la Métacarpe, ...

Après ces réflexions absurdes, je vous dis au revoir et à la prochaine fois.

mardi 3 mai 2011

Les Dents de la terre

Petite pause zoologique en attendant la suite de cette saga botanique !

Si vous possédez un jardin, un potager ou un bac à sable (à vrai dire, 10 cm² de sable suffisent), vous vous êtes peut-être aperçus que, depuis le début de la saison, le terrain en question s'est creusé d'une multitude de petits entonnoirs de 2 à 4 cm de diamètre. "Mais quelle sale bête a bien pu troubler l'harmonieuse planitude de mon lopin de terre ?" se dit le curieux. Et le naturaliste de lui répondre : "Bien peu de choses, dans un monde à l'échelle de l'Homme. Mais dans le monde des Fourmis, c'est un lion : le Fourmilion."


Les pièges mortels d'une tribu de fourmilions, un vrai champ de mine !

Le Fourmilion, un insecte plutôt banal à l'âge adulte : 3 cm, une grosse tête surmontée d'yeux globuleux, un thorax insignifiant d'où partent un abdomen allongé et deux paires de grandes ailes transparentes. Ordre des Neuroptères. La larve en revanche, est beaucoup moins anodine, dans la mesure où c'est elle l'auteure de tous ces petits trous ! Comme son nom l'indique, c'est dans le but de piéger les fourmis qu'elle rompt la plane harmonie de son territoire : terrée au fond de l'entonnoir qu'elle s'est creusé, la larve attend, à l'affût, qu'un malheureux insecte vienne tomber dans ce puit infernal pour le happer sec, d'un coup de mandibules !


et voilà la bête.

Mais à quoi ressemble-t-elle, cette bête ? Si vous tenez vraiment à le savoir, simulez une intrusion de fourmi en faisant tomber quelques grains de sable au fond du trou, à l'aide d'une brindille. Vous verrez alors surgir, toutes mandibules dehors, l'effroyable faciès du jeune prédateur, avant qu'il ne se réenterre, comprenant qu'il s'est fait avoir en sentant ses mâchoires claquer dans le vide. Et si votre curiosité n'est pas satisfaite, il ne vous reste plus qu'à déterrer vous-même le monstre ! Pour cela, équipez-vous d'une bêche adaptée (une cuiller à café devrait faire l'affaire) et visez la fosse ; ne soyez pas sceptique, vous ramènerez dans le creux de la cuiller la larve et vous pourrez, muni d'une loupe, admirez son anatomie : une toute petite tête avec de bien grandes mandibules, reliée à un corps obèse digne d'un éléphant de mer gavé aux frites Mac Do'.

Pour les Fourmis, c'est un lion : le Fourmilion. Même Linné le Suédois était au courant puisqu'il lui a donné le nom de Myrmeleon formicarius. Passant allégrement du grec (pour le genre) au latin (pour l'espèce), on pourrait en effet traduire ça par : "le fourmi-lion des fourmis".

Maintenat, à vous de jouer, mais n'oublier pas de remettre le fauve au fond de son abîme après l'observation : il ne faudrait pas troubler l'ordre naturel...