dimanche 31 juillet 2011

Troublante tourbière, les débuts d'une saga

Vous vous en êtes sans doute rendu compte, nous ne reculons devant rien pour vous faire découvrir les merveilles de la nature. Nous ne comptons plus les affrontement avec des bêtes sauvages ou les expéditions dans des contrées hostiles. Mais aujourd'hui, c'est un tout nouveau genre d'aventure que je vous propose de vivre par le truchement de mon expérience. Laissez-moi vous expliquer.

Je me prépare à aller affronter un des univers les plus étrange et les plus méconnus de nos contrées : la tourbière. Jusque là rien ne change fondamentalement de nos aventures coutumières, alors quelle différence me direz-vous ? Eh bien voila, ce monde je vais le découvrir de l’intérieur, et pas juste en y campant un jour ou deux, non. Cette fois-ci je vais au bout des choses.
J'ai contacté un très bon ami, savant fou de son état, et grâce à lui et à une de ses inventions il se trouve que je ne fait désormais que 10 centimètres de haut environ. C'est dans cet état que je vais découvrir l'écosystème sus-mentionné : à la manière d'un de ses composant et non en lointain observateur.

Avant de commencer ce voyage de l’extrême, je vous présente la tourbière dans laquelle vont me mener mes pas selon la vue classique d'un humain de taille moyenne. La voici :

Elle est belle n'est ce pas, avec ses landes, ses quelques arbres, ses trous d'eau, ... Aucun doute, une superbe tourbière, au moins de loin. Reste à savoir s'il en sera de même une fois dedans.

A bientôt donc, pour les premières pages de mon carnet de bord.

lundi 25 juillet 2011

Mouche-scorpion

La Mouche-scorpion n'est ni une mouche ni un scorpion ! Appartenant en réalité à l'ordre méconnu des Mécoptères, elle doit son nom à l'abdomen du mâle, dont la forme pour le moins stylée évoque le dard du célèbre arachnide languedocien. Jugez plutôt :


Mouche-scorpion mâle, aussi appelée Panorpe (Nouan-le-Fuzelier, Loir-et-Cher)

En fait, il s'agit d'une pince que Monsieur utilise pour maintenir l'abdomen de Madame pendant l'accouplement. D'ailleurs, la voici :


Mouche-scorpion femelle (Ingrannes, Loiret)

Force est de constater que la femelle est en effet dépourvue de ce genre d'appendice.
Les Mécoptères constituent un ordre relativement peu représenté en France : à peine une trentaine d'espèces, la plupart appartenant à la famille des Panorpes (autre nom des Mouches-scorpions). Ce groupe est très facile à identifier : ailes repliées en forme de triangle mais sans recouvrir le reste du corps, abdomen effilé, longues antennes glabres et surtout tête alongée en forme de bec, "bec" au bout duquel se trouvent les mandibules chargées de réduire en bouillie insectes morts et fruits pourris dont l'insecte se nourrit. La larve, qui se développe pendant l'été et se métamorphose au printemps suivant, ressemble à une chenille.


Mouche-scorpion mâle. Ici, il semble s'agir de Panorpa communis (Dienne, Cantal)

Les différentes espèces de Mouches-scorpions, rassemblées sous le genre Panorpa, sont en revanche assez difficiles à distinguer pour le simple amateur. Les critères les plus souvents cités (motifs des taches ailaires, forme de l'abdomen) sont en effet difficilement observables sur un animal vivant. Le guide de Chinery Insectes d'Europe occidentale en propose quelques-uns que vous pourrez toujours essayer si vous trouvez un spécimen mort ou si vous disposez de bonnes photos.
Relativement courante, vous ne manquerez de rencontrer la Mouche-scorpion cet été, pour peu que vous vous décidiez à prendre l'air et que vous n'habitez pas trop près du cercle polaire !

mercredi 20 juillet 2011

Orvet

Lisse, lent et luisant, dépassant rarement les 50 cm, il vous est peut-être déjà arrivé de croiser ce timide reptile brun et vermiforme au cours d'une balade en forêt : plutôt discret, il se montre à découvert lorsqu'il essaye péniblement de traverser le chemin caillouteux et disparaît dès qu'il a retrouvé la fraîcheur et la volupté de l'humus.


Orvet femelle. NB : la femelle se reconnaît à sa coloration contrastée (dos clair et flancs foncés), alors que le mâle est uniformément brun, parfois avec de petites taches bleues (Chanteau, Loiret)

Malgré les apparences, l'Orvet n'est pas un serpent mais un lézard sans pattes (non, ce n'est pas la même chose !). Pour s'en assurer, il suffit de retourner la bête : force est de constater qu'elle possède plusieurs rangées d'écailles ventrales comme tous les lézards, alors que les serpents n'en ont qu'une. Un examen à la loupe révélera également la présence de paupières mobiles, dont sont dépourvus les vrais serpents. Autre différence : comme chez les lézards et contrairement à la plupart des serpents, mâles et femelles n'ont pas les mêmes couleurs (voir photo ci-dessus).
Relativement rigide, l'Orvet se brise facilement en deux lorsqu'il est malmené par un prédateur (chat ou autre petit carnivore). Comme les autres lézards, sa queue, qui représente plus de la moitié de sa longueur totale, peut se casser lors de l'attaque pour lui permettre de fuir (autoamputation ou autotomie). Cependant elle ne repoussera pas entièrement mais sera juste remplacée par un court moignon. Cette fragilité bien connue des paysans lui a valu son ancien nom trompeur de "serpent de verre" ainsi que son nom latin : Anguis fragilis, le "serpent fragile".


La même femelle (Chanteau, Loiret)

En raison de sa lenteur, l'Orvet ne peut guère surprendre ou poursuivre des proies trop rapides comme des insectes. Il se contente donc d'arpenter le sous-bois forestier (ou quelques fois les potagers) en quête de vers, de limaces ou de cloportes.
L'accouplement a lieu entre début mai et fin juin. D'après La Vie secrète de la Nature en France, volume 1, éditions Atlas, ce dernier pourrait durer plus de vingt heures (bien que Le Guide herpéto de Delachaux et Niestlé indique, lui, une durée n'excédant pas dix heures). Quoi qu'il en soit, la ponte s'effectue trois mois plus tard. Les Orvets sont ovovivipares, c'est-à-dire que l'oeuf, qui consiste en une simple membrane, éclot dès qu'il est pondu. S'ils ont de la chance, les petits orvets pourront espérer vivre très vieux pour des lézards : le record de longévité est en effet détenu par un spécimen du zoo de Copenhague qui vécut 54 ans, de 1892 à 1946. Détail amusant, même après leur mort les orvets gardent quelques temps le même aspect : leurs écailles sont en effet composées d'une partie osseuse - l'ostéoderme - qui met plus de temps à se décomposer et continue donc à recouvrir le squelette comme une peau.


Jeune orvet reconnaissable à son dos doré traversé par une ligne noire (Ingrannes, Loiret)

A part Anguis fragilis, on trouve deux autres espèces d'orvets en Europe, toutes deux en Grèce : l'Orvet du Péloponnèse (Anguis cephalollonicus), très semblable au précédent, et le Sheltopusik (Pseudopus apodus, anciennement Ophiosaurus apodus), un monstre de 1,40 capable d'avaler un petit serpent !
Mais les Orvets ne sont pas les seuls lézards sans pattes : les Amphisbènes (d'ailleurs parfois considérés comme un groupe à part parmi les Squamates), reptiles fouisseurs du Nouveau Monde et du sud de l'Europe, et certains seps, petits lézards méditerranéens, ont eux aussi perdu leurs membres au cours de leur évolution. Ce phénomène se retrouve chez les Amphibiens avec les Gymnophiones, ordre tropical totalement dépourvu de pattes, les Sirènes, famille d'urodèles nord-américaine qui conserve seulement ses membres antérieurs, et les Amphiumes, autre famille d'urodèles originaires de Floride aux quatre membres atrophiés. Comme vous pouvez le constater, les Serpents sont donc loin d'être les seuls tétrapodes... apodes.

jeudi 14 juillet 2011

Couleuvre verte et jaune

Malgré son nom, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus, anciennement Coluber viridiflavus) n'a pas une seule écaille verte. Sa robe n'en demeure pas moins originale, puisqu'elle est entièrement jaune et noire, ce qui, vous en conviendrez aisément, en fait de loin le plus beau de tous nos serpents.


Couleuvre verte et jaune tapie dans le bocage deux-sévrien (Coutières, Deux-Sèvres)

Avec de telles couleurs, cette grande couleuvre, qui peut atteindre 1,50 mètre, est facile à reconnaître. Le motif des flancs est caractéristique : près de la tête, l'alternance entre écailles jaunes et écailles noires est d'abord transversale, et devient progressivement longitudinale au fur et à mesure que l'on se rapproche de la queue.


Et si vous tombez sur une mue, vous pouvez toujours essayer les écailles de la tête : 2 temporales (a), 2 postoculaires (b) et 2 préoculaires.


Le regard perçant de la Couleuvre verte et jaune (Coutières, Deux-Sèvres)

Plus robuste que la Couleuvre d'Esculape, la Couleuvre verte et jaune est connue pour se nourrir, en plus de petits rongeurs, d'autres reptiles. Ce sont principalement des lézards (jeunes lézards verts, orvets) mais aussi, à l'occasion, des serpents plus petits qu'elle comme la Vipère aspic.
Lorsqu'elle se met en chasse, la couleuvre ne traque pas ses proies à la vue (gênée par l'herbe) ni à l'ouïe (dépourvus d'oreille externe, les serpents ne sont sensibles qu'aux très basses fréquences, c'est-à-dire pratiquement sourds) mais au "goût" (en réalité le sens voméronasal, dont nous sommes dépourvus mais qui est particulièrement développé chez les serpents) : la langue bifide que la couleuvre projette à intervalles réguliers capte les molécules présentes dans l'air, lesquelles sont ensuite analysées par l'organe de Jacobson (ou organe voméronasal), situé dans le palais, qui détecte la présence des phéromones. Ces dernières lui permettent également d'identifier son déjeuner avec précision ou, dans un autre registre, son partenaire sexuel.
Sont-ce ses mœurs ophiophages qui lui donnent autant de caractère ? Toujours est-il que, si elle se sent menacée, la Couleuvre verte et jaune n'hésite pas à mordre ni à se servir de son propre corps pour frapper son agresseur. Ce comportement lui a valu un autre nom vernaculaire plutôt rigolo : le Fouet.


Couleuvre verte et jaune écrasée sur une petite route brennouse (Mézières-en-Brenne, Indre)

Bien que son nom de genre Hierophis  signifie "serpent sacré" en grec, le Fouet n'est pas moins épargné que les autres reptiles par les automobilistes, prédateurs involontaires autrement plus destructeurs que le Circaète ! Alors, amis conducteurs, si vous ne voulez pas anéantir sous vos roues un aussi bel animal et à plus forte raison un engrenage indispensable de la machine écologique, soyez vigilants sur les routes de campagne, et n'hésitez pas à freiner... si vous voyez passer le Fouet.

La semaine prochaine, ne vous y méprenez plus, ce n'est pas un serpent : l'Orvet.

vendredi 8 juillet 2011

Couleuvre d'Esculape

Une autre couleuvre : la Couleuvre d'Esculape (Zamenis longissimus, anciennement Elaphe longissima).


Couleuvre d'Esculape (Coutières, Deux-Sèvres)

Ce serpent a la réputation de grimper aux arbres pour dénicher les oisillons dont il est friand. Il est vrai que c'est un bon grimpeur, amateur d'oeufs, de petits oiseaux voire de chauves-souris, mais en réalité la majeure partie de son alimentation est constituée de micromammifères terrestres (musaraignes, campagnols) qu'il capture au fond de leurs terriers et tue par constriction avant de les avaler, afin de ne pas être blessé par un coup de dent ou de griffe.
En raison de ses moeurs - partiellement - arboricoles, la Couleuvre d'Esculape affectionne particulièrement les bocages, milieu qui, avec ses haies, lui offre à la fois des arbres où grimper et du soleil.



Couleuvre d'Esculape mise en fuite par votre reporter de l'extrême (Coutières, Deux-Sèvres)

L'identification est relativement facile : c'est un grand serpent svelte (moins trapu que les Couleuvres d'eau) qui peut atteindre les 2 mètres, avec une tête très fine. D'un brun-vert olive uniforme, mis à part quelques traces blanches diffuses sur les flancs, il se caractérise par l'absence de réels motifs le long du corps. Contrairement à la Couleuvre à collier, seuls les bords des écailles ventrales sont carénés, peut-être pour lui assurer une meilleure prise aux branches. Plus méridional que cette dernière, il est absent du nord de la France. Attention toutefois : dans le Midi, deux espèces lui sont assez semblables : la Couleuvre à échelons (Rhinechis scalaris) qui s'en distingue par la présence de deux lignes brunes le long du dos, et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) qui n'a pas franchement la même tête mais à peu près la même coloration.



Pour être sûr, mieux vaut encore s'en rapporter aux écailles (et encore ! la Couleuvre à échelons a malheureusement les mêmes) : 2 écailles temporales (a), 2 postoculaires (b) et 1 préoculaire (c).


De gauche à droite : le bâton d'Esculape, le caducée et la coupe d'Hygie (images provenant de drblaney.com et wikipédia)

En raison de sa docilité lorsqu'on la manipule, la Couleuvre d'Esculape a souvent incarné pour les Hommes, et plus particulièrement les Grecs, des valeurs positives peu anodines pour un serpent. Son nom vient en effet du dieu Asklépios (ou Esculape pour les latinistes), dieu grec de la médecine. Un sanctuaire lui était dédié à Epidaure, dont le temple abritait un véritable élevage de ces couleuvres sacrées, son attribut étant en effet un bâton avec une couleuvre d'Esculape enroulée autour. Ce qui nous a donné le bâton d'Esculape, symbole de la médecine. La fille d'Esculape, la déesse Hygie, avait, elle, une coupe ornée de la même couleuvre, aujourd'hui symbole des pharmaciens.
Une autre légende est à l'origine du fameux caducée : un beau jour, alors qu'Hermès, dieu du commerce, se baladait dans la campagne grecque, il tomba sur deux serpents entrelacés qu'il entreprit alors de séparer avec le joli bâton doré que venait de lui offrir son demi-frère Apollon, dieu des arts. Les deux serpents s'enroulent alors autour du bâton doré, donnant naissance au caducée, de nos jours symbole de l'éloquence.

Décidément, l'été sera reptilien ! La semaine prochaine, ne manquez pas la Couleuvre verte et jaune sur Quelques images de la nature.

samedi 2 juillet 2011

Couleuvre à collier

Ah, l’été… une saison idéale pour observer les reptiles ! A commencer par celui-ci : la Couleuvre à collier (Natrix natrix).


Couleuvre à collier (Coutières, Deux-Sèvres)

De tous nos serpents, c’est le plus commun. Présente dans presque toute l’Europe, la Couleuvre à collier a su s’adapter aussi bien à la chaleur caniculaire de l’Andalousie qu'au froid sub-polaire de la Scandinavie. Mais si vous en croisiez une cet été, sauriez-vous au moins la reconnaître ?


Corps brun barré de noir                 Double collier jaune et noir

C’est un grand serpent (jusqu’à 1,20 mètre) au corps brun barré de noir. Il se reconnaît facilement – du moins lorsque la tête est visible – au double « collier », jaune à l’avant et noir à l’arrière, qui lui a donné son nom.
Sur les spécimens morts ou les mues, ces couleurs sont cependant estompées et ne suffisent plus à la détermination. Il faut alors sortir sa loupe et examiner les écailles de la tête comme sur la photo ci-dessous :



1 écaille temporale (a), 3 écailles postoculaires (b) et 1 écaille préoculaire : voilà ce qui la différencie à coup sûr de tous les autres serpents. Vous en profiterez pour notez les caractères propres aux Couleuvres (du moins celles de France) : un museau rond, de très grandes écailles sur le dessus de la tête et une pupille ronde. Et si vous avez vraiment le sens de l’observation (et une loupe sur vous), vous remarquerez que les écailles du corps sont carénées.

 

Cette mare de lisière constituerait un terrain de chasse idéal pour une couleuvre à collier (Bucy-le-Roi, Loiret)

Ces écailles carénées, attribut des couleuvres d'eau de genre Natrix, trahissent une préférence pour les milieux aquatiques (Natrix signifie d'ailleurs en latin "Hydre"). Excellente nageuse, elle ondule le plus souvent en surface, la tête émergée. Lorsqu'elle repère une proie (grenouille, triton ou poisson), elle est capable de plonger sous l'eau pour la poursuivre en apnée. Une fois qu'elle l'a attrapée, elle retourne sur la berge pour l'avaler sans autre cérémonie, étant bien sûr dépourvue de crochets à venin comme la plupart des couleuvres européennes.
La digestion peut alors commencer. C'est une opération risquée pour le serpent qui doit digérer le corps intact de sa proie avant sa putréfacition, qui libérerait des germes mortels dans le corps du reptile. Les enzymes digestives atteignant leur maximum d'activité vers 30°C, la couleuvre va donc chercher à se rapprocher au maximum de cette température, en s'exposant au soleil par exemple (rappelons en effet que les reptiles sont ectothermes, c'est-à-dire que la température de leur corps varie en fonction de celle du milieu, contrairement à nous, pauvres endothermes qui sommes obligés de la maintenir constamment à 37°C). En cas de danger, elle se retourne sur le dos, gueule béante et langue pendante, en émettant une odeur nauséabonde pour faire croire à un cadavre.
L'accouplement a lieu au printemps. La femelle, plus grande que le mâle, pond une trentaine d'oeufs dans un tas de fumier, la chaleur générée par la décomposition favorisant l'incubation (hum... voilà qui aurait dû inspirer ce cher Baudelaire). Pas besoin de perdre son temps à couver comme ces stupides volatiles ! Six à dix semaines plus tard, les petits éclosent, de la taille de vers de terre, déjà reconnaissables à leur collier jaune. Donc si vous avez un jardin et que vous aimez les reptiles, un compost s'impose : il fera un très bon nid et vous aurez rendu un fier service à la gent ophidienne.

Et la semaine prochaine sur Quelques images de la nature, découvrez deux nouvelles couleuvres françaises : la Couleuvre d'Esculape et la Couleuvre verte et jaune.