dimanche 5 juin 2011

Une charogne

A tous les lycéens de Première ! La bac de français est proche, et c'est pourquoi je vous invite sans plus tarder à réviser Baudelaire à qui l'on doit ce si beau poème, illustré par mes plus belles photos de cadavres.


Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.


Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;
 
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

 

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en petillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

 

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rhytmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

 

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !


Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !

6 commentaires:

Marie-Anne a dit…

ah! là, tu as fait fort, très fort même!
:-) :-) :-)

Nicolas MOULIN a dit…

Superbe! D'un côté tu nous ouvre l'appétit, et de l'autre tu nous parle du bac de français, nan franchement je vois pas ce que je pourrais critiquer (l'Albatros serait peut-être mieux passer)

Ursus arctos a dit…

Bravo pour cet article d'enfer et courage à tous les bacheliers.

Pour ma part, au bac (il y a bien longtemps), je suis tombé sur Rousseau, naturaliste mais nettement plus soft que Baudelaire :

"Les arbres, les arbrisseaux, les plantes sont la parure et le vêtement de la terre. (...)Vivifiée par la nature et revêtue de sa robe de noces au milieu du cours des eaux et du chant des oiseaux, la terre offre à l'homme dans l'harmonie des trois règnes un spectacle plein de vie, d'intérêt et de charmes, le seul spectacle au monde dont ses yeux et son cœur ne se lassent jamais."

Igor Girault et Lucas Michelot a dit…

Ours brun : Rousseau c'est mignon, mais je préfère Beaudelaire !
Nicolas : J'ai préféré de laisser l'Albatros, pour ton blog.

Cela dit, si j'étais au bac, j'aimerais mieux tomber sur Gargantua que sur ce poème !

Igor

Anonyme a dit…

À qui appartient ces images?

Alex a dit…

Bonjour,

C'est la deuxième fois que je vous écrit. En fait, j'aimerai savoir s'il y a un copyright sur les images d'animaux morts que vous avez publié dans cet article ; car il n'y a aucune mention ©.

Merci de votre réponse,

conlajota@yahoo.com