vendredi 28 janvier 2011

Tournepierre

Un bien étrange garde-côte...

Quel est ce petit oiseau qui arpente la plage du Lac Léman ? Peu farouche, il se dandine tranquilement le long de la rive, fouillant les laisses de lac à l'aide de son petit bec. De temps en temps, il s'arrête, soulève un galet ou un morceau de bois flotté et le retourne d'un coup de bec, avant de récolter les vers et les larves d'insectes qu'il abritait. Puis il reprend sa route, toujours en quête de petits invertébrés à dénicher.
C'est en raison de ce comportement original que ce curieux échassier fut nommé Tournepierre.


Tournepierre à collier au Lac Léman.

On reconnaît là les habitudes alimentaires d'un Limicole. Et le Tournepierre à collier (Arenaria interpres) appartient en effet à cet ordre, en sa qualité de Scolapacidé. C'est d'ailleurs le seul membre de cette éminente famille, qui comprend également les Bécasse, Bécassines, Bécasseaux, Barges, Courlis et Chevaliers, à avoir le bec court et à plus l'utiliser pour picorer la roche que pour fouiller la vase ou les feuilles mortes.



Le Tournepierre dans son plumage d'hiver, très semblable à celui du Vanneau huppé.

Le Tournepierre est un visiteur d'hiver, qui repart le plus souvent dès le début du printemps pour nicher dans les étendues arctiques. A cette époque de l'année, il ne fréquente normalement que les littoraux atlantique et de la Manche. Mais une fois de plus, la Suisse fait figure d'exception : en effet,  le Tournepierre est régulièrement aperçu sur le Lac Léman depuis quelques années. Peut-être est-il attiré par le calme reposant de la vallée, débarassé de la houle et des embruns maritimes.

vendredi 21 janvier 2011

Goéland cendré

Après la Mouette rieuse, voici un autre Laridé (Mouettes et Goélands) du Lac Léman : le Goéland cendré.
C'est le plus beau de tous les Goélands. Plus élégant que les Goélands argenté, leucophée, marin ou brun, son bec gracile fait ressortir la finesse de ses traits et la blancheur de son plumage. Son nom latin, Larus canus, signifie d'ailleurs "Mouette aux cheveux blancs". Mais jugez plutôt :

Ces goélands ont l'air de somnoler, ainsi perchés sur un poteau de la rade de Genêves. Notez le bec fin, sans la tache rouge caractéristiques des goélands plus gros cités il y a quelques lignes.


Et voici un autre individu, flottant derrière un cygne sur le Lac Léman. On voit qu'il est bien dans son plumage d'hiver : en été, sa tête est totalement immaculée.
Moins grégaire que la Mouette rieuse, le Goéland cendré se nourrit essentiellement de mollusques et de petits invertébrés récoltés au bord de l'eau.
Hivernant le long des côtes bretonnes et du nord de la France, il est cependant présent en Suisse tout au long de l'année. Précisons que le Lac Léman est certainement l'un des meilleurs endroits au monde pour observer cet oiseau ; ce n'est pas en Bretagne que vous en verrez d'aussi près ! Heureusement, comme nous venons de le voir, il est facile à différencier des autres Laridés. Alors, si vous passez l'hiver en chez les Helvètes ou au bord de l'Atlantique, ouvrez l'oeil : un goéland cendré qui ne demande qu'à être observé se dissimule peut-être au milieu d'une colonie de mouettes...

samedi 15 janvier 2011

Les Harles, des canards pas comme les autres (2/2)

La semaine dernière, nous vous présentions le Harle bièvre et quelques généralités sur les Harles. Aujourd'hui nous allons commencer par la deuxième espèce de harle : le Harle huppé (Mergus serrator), que les habitués du blog se souviendront avoir déjà aperçu au cours de l'article sur la Baie de Somme (pourtant loin d'être sommaire) de Noël 2008.


Harles huppés à Neuchâtel : mâle à gauche et femelle à droite.

Ce harle, bien que légèrement plus petit, ressemble de loin beaucoup au précédent : mêmes tête verte et bec rouge chez le mâle, mêmes huppe caramel et plumage cendré chez la femelle. Cependant, si vous prenez le temps de l'observer à travers votre paire de jumelles, vous vous rendrez vite compte que les deux espèces sont en fait assez faciles à différencier. En effet, le mâle, comme son nom l'indique, arbore une magnifique huppe sur le crâne et son oeil n'est pas noir comme chez le Harle bièvre mais rouge. Quant à la femelle, alors que le plumage caramel enserrait le cou comme un collier pour le Harle bièvre, il descend jusqu'au gris sans se rejoindre sur la gorge dans le cas du Harle bièvre.


Portrait de harle huppé mâle. Voir aussi la version One day one bird.

On voit sur ce dessin que le plumage du mâle n'est pas non plus le même chez les deux espèces : moins de blanc, plus de gris, épaules noires tachetées de blanc et poitrine moucheté pour le Harle huppé.
Moins courant que le bièvre, il se rencontre surtout sur les côtes du nord de la France.


David et Goliath.

Mais quel est ce nabot à côté du gros Harle bièvre ? C'est la troisième espèce, la demi-portion du genre : le Harle piette (Mergus albellus). Sur la digiscopie, il s'agit d'une femelle, la seule qui viendra se montrer à Neuchâtel.


Harles piettes mâle (en haut) et femelle (en bas).

Ce dernier harle, une anomalie chez les anomalies, ne ressemble pas vraiment aux autres, le mâle tout blanc et noir, avec son bec terne, et la femelle ayant les joues entièrement blanches. Contrairement au Harle bièvre, c'est le mâle qui arbore une petite houpe.
Moins bon plongeur que ses robustes cousins, il préfère les eaux peu profondes. Il est également beaucoup plus rare que les deux autres en France, car on ne le retrouve que tout au nord, notament en Baie de Somme.

Voilà, nous avons fait le tour des trois espèces de harles. J'espère que ça vous aura donné envie d'observer ces canards au bec crochu et dentelé, à la queue plate de cormoran et qui pêchent des poissons comme des grèbes. Bref, ces canards vraiment pas comme les autres...

mardi 11 janvier 2011

Les Harles, des canards pas comme les autres (1/2)

Heureusement, nous ne sommes pas partis en Suisse uniquement pour voir des mouettes et des bouvreuils. C'est pourquoi nous allons maintenant vous parler d'oiseaux moins anodins (sauf peut-être pour les Savoyards) : les Harles.
De bien étranges canards que les Harles ! Impossible de les confondre, avec leur long cou et leur large queue plate de poisson. Non, décidément, ces canards ne ressemblent à aucun autres, tant du point de vue anatomique que du point de vue alimentaire. En effet, les Harles ne sont pas de vulgaires brouteurs de bouture subaquatique comme les autres canards. Ce sont des mangeurs de poissons, qu'ils pêchent grâce à un bec unique au monde : long, crochu et finement denticulé sur les bords. Avec ça, une fois qu'il s'est fait attrappé, le poisson ne peut même pas espérer se sauver en glissant du bec comme s'il s'agissait d'un héron ou d'un grèbe.
Il existe en Europe trois espèces de ces oiseaux iconoclastes : le Harle bièvre, le Harle huppé et le Harle piette. Et par chance, cet hiver, nous avons pu observer les trois sur le seul Lac de Neuchâtel.


Harle bièvre mâle sur le Lac Léman.

Voici pour commencer la plus courante des trois : le Harle bièvre (Mergus merganser) et ses airs de cormoran. C'est le plus grand des Harles, un plongeur adroit qui affectionne les eaux profondes et poissonneuses comme les lacs suisses, où il réside en permanence. Certains hivers, on l'aperçoit également sur la Loire, descendant le fleuve en groupe comme une flotte de drakkars venus profiter de la douceur du climat orléanais pour hiverner...



Harles bièvres à Neuchâtel.

Sur cette photo, on peut voir le mâle, en bas, avec sa tête verte et lisse et son costume noir et blanc, et la femelle, en haut, arborant une jolie huppe couronnant sa tête caramel et son plumage gris.
En Suisse, ces palmipèdes ne sont pas farouches, d'où la relative qualité de ces photos. Mais si vous tenez à connaître mon astuce pour les faire approcher jusqu'à portée de main, sachez qu'il suffit de les attirer comme des colverts en leur jetant un peu de neige, qu'ils prennent facilement pour de la nourriture.

Rendez-vous la semaine prochaine pour voir les deux autres espèces de harles.

A bientôt !

vendredi 7 janvier 2011

Mouette rieuse

oCommençons doucement avec les oiseaux des lacs. Pas de raretés pour le moment, pas d'observation exceptionnelle, rien de bien incroyable. Juste une mouette. Une mouette rieuse (Chroicocephalus ridibundus), l'espèce la plus courante, celle là même que l'on voit souvent voler au dessus d'un plan d'eau, celle à laquelle on ne prête plus attention.
Elle est bien jolie cette mouette. En fait elle est même très belle. Son plumage clair semble briller au soleil. Elle ne vole pas, elle joue avec le vent. Sur l'eau elle semble faite de liège. Une petite merveille adaptée à tous les éléments.
Mais j'y songe, vous ne l'avez pas sous les yeux cette mouette (sauf dans le cas bien improbable ou vous en posséderiez une empaillée). C'est moins facile d'imaginer que de voir, alors voici une photo de notre gracieux sujet :

 La mouette rieuse s'est bien vite adaptée et habituée à l'Homme. Elles ont eu vite fait de comprendre que les biscottes que nombres de vieilles dames viennent lancer aux canards leur conviennent parfaitement et sont, en outre, plus faciles à attraper que des poissons. Elle est par endroit l'équivalent aquatique du pigeon biset domestique (Columba livia) mais reste généralement moins familière. Toujours est-il qu'elle est là, ce qui ne plait pas à tout le monde. D'ailleurs, Lao Tseu n'a-t-il pas dis un jour "Les mouettes, c'est rien que des sales bêtes." (a moins que ce ne fut Genghis Kan, ou mon voisin, je ne sais plus).


Toujours est-il que la mouette est un oiseau à la fois élégant, commun et assez facile à approcher, ce qui en fait un sujet d'observation pratique et agréable. 
Vous la trouverez sur bon nombre de plan d'eau et de fleuves, c'est là qu'elle passe le plus clair de son temps. Elle s'y nourrit de petits poissons, de divers invertébrés aquatiques et, comme nous l'avons vu, de biscottes. Elle niche la plupart du temps en vastes colonies extrêmement bruyantes sur une île ou dans une roselière, là ou presque aucun prédateurs ne peut l'atteindre (des prédateurs munis de boules quies, je l'espère pour eux). L'hiver, elles se rassemble parfois en de très vastes groupes qui investissent les quais de fleuves dans une grande ville. Elles trouvent là de la chaleur, de la nourriture et une relative tranquillité contre leurs prédateurs naturels (principalement le renard, la buse et l'armée américaine).

Ne vous désintéressez pas de la mouette sous prétexte qu'elle est courante. Continuez de la contempler, elle en vaut le coup, que ce soit pour sa grâce ou son comportement des plus intéressant.

A bientôt.

mardi 4 janvier 2011

Bouvreuil pivoine

Chers lecteurs : Bonne année !

Pour une fois, c'est un passereau qui aura l'honneur d'inaugurer cette nouvelle année sur le blog, avec, on l'espère, toujours plus d'articles, de photos, et de dessins.
Ce passereau est le Bouvreuil, reconnaissable entre tous à sa poitrail rouge flamboyant, qui lui a d'ailleurs valu son joli nom savant : Pyrrhula pyrrhula, audacieux mais élégant mélange de grec et de latin signifiant littéralement "Petit feu".


Voici un individu annécien à la poitrine particulièrement éclatante, qui a dû se laver dans le sang de ses victimes pour obtenir une teinte aussi éblouissante. Non, je plaisante ! En réalité, les seules victimes des bouvreuils sont les feuillus dont ils ont la réputation de manger les bourgeons en hiver (il semblerait que le bouvreuil ci-dessus s'apprête d'ailleurs à en faire son repas). Néanmoins, il peut aussi fréquenter les mangeoires, essentiellement à la campagne.

A bientôt, on se retrouve la semaine prochaine avec un nouvel oiseau des lacs de Suisse et d'Annecy.