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lundi 26 décembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 7 : Marée basse dans les rochers (2/3)

Le relief de l'estran rocheux a de quoi donner du fil à retordre aux sandales les mieux attachées. C'est un véritable continent en miniature, avec ses pics, ses cols, ses plateaux, ses gorges et même ses lacs, des cuvettes taillées par l'érosion que la mer vient remplir à marée haute et qui, à marée basse, constituent autant d'aquariums naturels où les explorateurs les plus courageux pourront voir évoluer les monstres marins qui s'y sont laissés piéger.


Cuvette sur la plage de Loscolo

Ces mares salées abritent en effet un grand nombre de gastéropodes, bivalves, poissons et crustacés divers, mais aussi quelques organismes dont l'anatomie nous est moins familière, telles les fameuses anémones de mer...


"Tomate de mer", tous tentacules dehors !

On en rencontre plusieurs espèces dans les flaques salées ; la plus commune de toutes est Actinia equina. Elle se présente sous la forme d'un polype, dont la couleur varie du brun au rouge vif, fixé par un pied cylindrique de 5 cm de diamètre, avec une petite bouche-anus au sommet, ornée d'une couronne de 200 tentacules urticants (indolores pour l'Homme) qui y rabattent les crustacés et les petits poissons dont elle se nourrit, avant d'en rejeter les restes par le même orifice.
Typique de l'estran, le gluant animal se complaît dans ce milieu changeant, capable de rétracter à volonté ses tentacules pour les préserver de la dessiccation lorsqu'elle se retrouve émergée, à marée basse. Elle prend alors l'aspect d'un gros bubon rougeâtre posé sur les rochers, d'où son surnom, très inspiré, de "tomate de mer" ou "anémone tomate".


Anémone de mer verte

Contrairement à la "tomate de mer", l'Anémone de mer verte (Anemonia viridis) est incapable de rétracter ses tentacules ; les cuvettes d'eau sont donc bien les seuls endroits où l'on peut en observer sur l'estran. C'est fort dommage, car c'est de loin la plus belle de toutes les anémones de mer, avec sa longue chevelure verte aux pointes violettes !
Les anémones de mer appartiennent à l'embranchement des Cnidaires, comme les méduses et les coraux, mais en cherchant bien, on peut dénicher dans ces flaques des animaux à l'ascendance encore plus étonnante...


Ascidies japonaises trouvées au fond d'une cuvette

... comme l'ascidie Styela clava, l'Ascidie japonaise (ou Ascidie plissée).
Je ne saurais mieux vous décrire cet animal qu'en le comparant à une sorte de "coeur" pompant, recrachant, brassant de l'eau de mer pour en extraire dioxygène et nutriments. Une "poche" vivante trouée de deux syphons, enveloppée dans une "tunique" de cellulose (!) qui a donné son nom au sous-embranchement des Tuniciers auquel appartiennent les Ascidies, dont la biologie est si bizarre que je ne me riquerais pas à en faire un compte-rendu, lequel serait trop bref, trop imparfait, trop inexact pour en apprécier la complexité. Consultez plutôt les cours en ligne de Mer et littoral à ce sujet, qui sont très bien faits.
On peut en revanche signaler que ces animaux nous semblent d'autant plus étranges que l'étude de leurs larves les range dans l'embranchement des Cordés, aux même titre que les Vertébrés !
On rencontre de nombreuses espèces d'ascidies, solitaires ou en colonies, au large de nos côtes. Comme son nom l'indique, l'Ascidie japonaise est cependant originaire de l'est du Pacifique et aurait été introduite accidentellement dans les années 1950 par des bâtiments de guerre occidentaux de retour de Corée, sur la coque desquels elle a dû se fixer.


Portrait de crevette

Plus familières, les crevettes du genre Palaemon sont très communes dans les flaques, si bien qu'il est difficile d'y jeter un coup d'épuisette sans en ramasser une pleine poignée ! On en distingue une demi-douzaine d'espèces, qui se ressemblent toutes. Ici, je ne sais pas trop de laquelle il s'agit... y a-t-il un expert dans la salle ?

A la semaine prochaine pour de nouvelles chroniques de l'estran !

samedi 3 décembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 6 : Marée basse dans les rochers (1/3)

Après avoir goûté aux charmes morbides des laisses de mer, intéressons-nous à l'estran rocheux.
Aux yeux des estivants les plus douillets, l'endroit apparaît pour le moins inhospitalier, comme un désert de pierre tapissé d'huîtres coupantes et d'algues glissantes. Il n'en est pas moins grouillant de vie. Mais pas de vie telle qu'on la connaît à l'intérieur des terres : non, je vous parle d'une vie horrible, gluante, tentaculaire, une vie telle que l'on n'en rencontre qu'au fond des mers, et que l'estran ne daigne révéler qu'à marée basse. Alors, profitons du recul des eaux pour explorer ce territoire étrange et incroyable, et découvrir les bêtes immondes qui hantent ses abîmes...


L'estran rocheux de la plage de Loscolo

Ces dernières sont bien malmenées par le flux et le reflux de l'Atlantique ; quotidiennement noyées par l'océan, séchées par le soleil et salées par les embruns, elles n'ont souvent le choix qu'entre se cramponner vigoureusement aux rochers ou se cacher au fond d'une crevasse humide. A ce jeu, les coquillages sont sans doute les plus forts : patelles, pholades, moules, littorines, troques, bigorneaux et crépidules pullulent aussi bien sur que dans la roche. Cependant, quelques photos ne suffiraient pas à donner un aperçu satisfaisant de leur prolifération ostentatoire, aussi va-t-on se contenter, pour cette fois, d'animaux plus discrets et plus originaux.


Ligia oceanica en maraude (2-3 cm). En Méditerranée, cette espèce est remplacée par Ligia italica, très semblable.

Commençons par la zone la plus haute de l'estran, celle qui n'est submergée qu'à l'occasion des grandes marées. C'est le domaine de la petite Ligie (Ligia oceanica). Elle passe y passe le plus clair de son temps abritée dans les fentes rocailleuses pour éviter la déshydratation, mais sort de sa cachette à marée basse pour arpenter l'estran en quête de nourriture - animaux et végétaux en décomposition. Si l'on excepte les longs uropodes qui prolongent l'arrière de son corps, on la prendrait volontiers pour un cloporte ; et pour cause, elle appartient comme eux à l'ordre des Isopodes, petits crustacés aplatis à sept paires de pattes et aux yeux sessiles (sans pédoncules).


Les colonies de balanes qui recouvrent l'estran rocheux finissent par former une sorte de revêtement antidérapant naturel.

Mais laissons les ligies tranquilles et descendons quelques mètres plus bas : on constate que les rochers se couvrent aussitôt de colonies entières de balanes. De loin, leur forme conique évoque celle de petites patelles. Il n'en est rien : ce sont des crustacés appartenant à la sous-classe des Cirripèdes, qui vivent fixés sur à la roche et ne s'entrouvrent qu'à marée haute, quand les vagues viennent lécher leurs minuscules carapaces, pour filtrer l'eau ruisselante et en extraire le plancton dont ils se nourrissent. Il en existe de nombreuses espèces ; celles observables sur l'estran, dont la taille varie entre 5 mm et 2 cm, se répartissent principalement entre les genres Balanus et Chthamalus. Plus petites, les balanes du genre Amphibalanus se fixent également sur les coquillages, mais il faut être un expert pour arriver à toutes les différencier !


Anatife (5 cm) accroché à une caisse en bois

Mais au fait, pourquoi Cirripède ? Le mot vient bien sûr du latin : cirrus signifiant "mèche de cheveux" et pes, pedis "pied". Un pied à mèche ? L'étymologie prend tout son sens lorsque l'on regarde un cousin des balanes, l'Anatife (Lepas anatifera), un cirripède qui se fixe, non pas aux rochers, mais aux débris flottants : on voit alors effectivement un pied, le pédoncule (dont les balanes sont effectivement dépourvues), fixé au support, armé de plaques qui laissent dépasser des appendices en forme de mèche appelés cirres : ce sont d'anciennes pattes modifiées et couvertes de soies qui filtrent l'eau.


Alvéoles d'hermelles

Un autre filtreur vit encore plus bas : l'Hermelle (Sabellaria alveolata). On détecte facilement la présence de ce minuscule ver de quelques centimètres de long aux structures en nid d'abeilles que produisent ses colonies : des récifs constitués de tubes de grains de sables agglutinés pouvant atteindre 30 cm de haut. Les hermelles vivent dans les alvéoles de ces récifs ; elles se cachent au fond à marée basse et font dépasser le haut de leur corps, armé de tentacules, à marée haute pour capturer le plancton dont elles se nourrissent.
A Pénestin, ces récifs sont souvent abîmés par les ramasseurs d'huîtres si bien que leur taille n'est jamais très imposante. Néanmoins, il en existe de vraiment colossaux à la Baie du Mont Saint Michel où ils sont protégés. On peut en voir des photos sur le site de DORIS.

A suivre...

samedi 5 novembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 2 : Laisses de mer (1/2)

Au fur et à mesure que la marée baisse, l'estran se couvre d'amas d'algues, de plumes de mouettes et de bois flotté rejetés par les flots. Mais au milieu de la puanteur et des mouches, on trouve quelques déchets plus intéressants qui font de la plage une véritable vitrine de la faune et de la flore sous-marines.


Plage jonchée de laisses de mer

Toutes ces ordures sont appelées "laisses de mer". A peine échouées, elles sont assaillies par des légions de décomposeurs divers et variés (diptères, coléoptères voire crabes audacieux) auxquels le naturaliste devra disputer sa trouvaille s'il compte l'examiner de près, activité recommandable qui vous permettra de vous familiariser avec les laisses de mer les plus courantes que je vais maintenant vous présenter.


Rhizostoma octopus échouée sur le "dos"

Pour inaugurer ce festival de monstruosité, voici la méduse la plus commune de Bretagne : Rhizostoma octopus. Pouvant atteindre un mètre de diamètre, elle est heureusement inoffensive pour l'Homme puisqu'elle ne mange que du plancton et ne possède pas de tentacules venimeux à proprement parler, mais seulement huit bras qui lui ont valu son nom scientifique (octopus => "huit pieds"). Ces derniers entourent la bouche placée sous l'ombrelle, énorme, qui renferme le système digestif et les organes génitaux.


Rhizostoma octopus échouée dans le bon sens. En Méditerranée, elle est remplacée par une espèce à peu près identique : Rhizostoma pulmo.

Sur son pourtour, celle-ci est dentelée et ornée d'un joli petit liseré bleu, tentative dérisoire de faire oublier l'odeur abjecte qui se dégage du cadavre, lequel semble d'ailleurs si immonde qu'aucun charognard ne se risque à le consommer. Heureusement, les rayons ardents du soleil breton auront tôt fait de faire fondre cette abomination, qui s'en retournera à la mer sous forme de coulée laiteuse dégoulinant le long de la plage.


Ponte de buccin

Moins impressionnante mais plus énigmatique, voilà une laisse de mer courante surnommée "raisin de mer" ou encore "savonnette de mer". Cet amas ressemblant à un bloc de polystyrène altéré par l'eau de mer, qui peut atteindre la taille d'un ballon de foot, est en réalité composé de centaines d'oeufs de buccin (Buccinum undatum), un gros gastéropode carnivore.

Buccin (6 cm de haut)

Eponges dessécuées et tests d'oursin (Psammechinus miliaris)

On peut aussi ramasser quelques spécimens plus discrets, comme ces petites éponges silicieuses (une identification assez hasardeuse me fait pencher pour le genre Haliclona), animaux rudimentaires qui s'alimentent en filtrant l'eau à travers les pores de leur corps. Aucun véritable organe ; des cellules flagellées appelées choanocytes tapissent les parois internes de l'organisme et assurent la circulation de l'eau.
Ou encore ces trois tests d'oursin : c'est ainsi que l'on appelle le squelette externe de ces charmants échinodermes épineux une fois vidé de son hôte.

A suivre...

samedi 26 mars 2011

Tendres invertébrés

Arion rufus, la Limace rousse, est surtout connue pour ses méfaits dans les potagers. Mais lâché en pleine nature, le gluant animal nous dévoile un tout autre aspect de sa personnalité.
En forêt comme aux champs, dans les prairies comme dans les jardins, en plaine comme en altitude (où il se présente sous sa forme noire, parfois considérée comme une autre espèce : Arion ater), l'omniprésence de ce gastéropode doit tout à son régime alimentaire extraordinairement varié : végétaux en tous genres, bien sûr, mais aussi champignons, cadavres voire même déjections de carnivores. Il est d'ailleurs courant d'en voir deux ou trois sur les routes, attroupés autour d'un congénère écrasé par une voiture comme des lions autour d'une flaque, le grignotant goulûment.
Une opportuniste donc, qui trouve son bonheur à la fois dans les légumes et la viande faisandée. Et pourtant ! La Limace rousse est également, au même titre que l' Orque, le Tigre ou l'Aigle royal, une redoutable prédatrice. Ici, c'est un malheureux lombric qui va faire les frais de son appétit de carnassière. La preuve en images !


Qui a dit que les Limaces n'étaient que d'inoffensives dévoreuses de laitues ?

Loin de se contenter d'aliments inanimés, la Limace rousse boulotte en réalité tout ce qui est moins rapide et aussi mou qu'elle. Et ce jour-là, c'est tombé sur ce pauvre ver de terre. L'imprudent n'aurait jamais du s'aventurer sur un terrain aussi sec que ce chemin de forêt : une limace par hasard vint à passer ; elle l'intercepte dans le sens de la largeur...


Scronch ! scronch !

...et se met alors à le déchiqueter, ou plus exactement à le ronger, exactement comme un lapin ferait d'une carotte, alors que le ver, pourtant à bout de forces, continue à gigoter.


On distingue nettement les "crocs" de la mâchoire supérieure.

On voit alors la gueule du monstre poisseux se refermer sur le corps de sa victime. En guise de crocs, la nature, dans sa sagesse, l'a doté d'une mâchoire cornée et découpée en forme de piège à loup, qui, actionnée par des muscles vigoureux, lui permet d'arracher des morceaux de chair ou de salade aussi efficacement que s'il s'agissait d'un emporte-pièce. Les morceaux sont ensuite râpés par la radula, chaîne de quelques milliers de dents disposées en arc de cercle sur la partie inférieure de la bouche. On obtient ainsi une purée de lombric prête à être digérée.
Cet incident, quoique qu'anodin dans la longue liste des petits drames qui se jouent au quotidien dans la nature, nous rappelle que ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas d'os, que les invertébrés sont des tendres.

lundi 1 février 2010

La cohorte des réprouvés

"Répugnants !", "informes", "grouillants", "beurk", les mots n'ont jamais manqués aux humains pour nommer ce qui les répugne. De multiples raisons ont été données pour cette antipathie : trop de pattes, trop de poils, des yeux au mauvais endroit, une forme aberrante ... Très peu de ces arguments justifient ce que l'on fait subir à ceux qui en font l'objet. Mais après tout quelle importance, puisque tout le monde est d'accord ? Eh bien figurez vous que non, tout le monde n'est pas d'accord. Nombre d'Hommes défendent ardemment ces maintes bestioles, tentent de faire valoir leur mérites (forts nombreux vous verrez). Je suis de ceux-là et dans ma modeste mesure j'aimerais contribuer à la réhabilitation de la "cohorte des réprouvés".

Ils sont foule. Qu'ils soient araignées, cloportes, guêpes ou milles-pattes, l'imaginaire collectif leur attribue une malfaisance qu'ils sont loin de posséder.

Pourquoi diantre ce genre de chenille fait elle peur ? Elle est loin de faire 12 mètre de long, ses poils ne paraissent pas ou peu urticants et elle est à peu près aussi réactive qu'un saucisson d'holothurie. Oui mais c'est une chenille, un tort qu'il vaux mieux éviter de commettre aujourd'hui. Pourtant, comme me le faisais remarquer quelqu'un que vous connaissez surement "Il faut bien que je supporte deux ou trois chenilles si je veux connaître les papillons."

Qui oserait encore dire que ce genre d'animal est répugnant ? Personnellement le mot magnifique me semble plus adapté. Et puis l'araignée (ici une argiope frelon Argiope bruennichi) est un être vivant au moins aussi intéressant que les autre. Tiens, une dernière précision : l'araignée ne pique pas, elle mord. La belle affaire me direz-vous. Oui, mais très peu sont celles qui peuvent mordre les humains. Qui a déjà été mordu par une araignée ? Qui en est sûr ?
...

Voila un insecte banal au possible : la mouche. Tellement banale qu'on ne prend plus jamais la peine de la regarder avant d'abattre la pantoufle fatidique. Certes, on a tout loisir de les admirer après coup, mais elles présentent alors plus de similitude avec une soupe de pois cassé qu'avec un insecte digne de ce nom. la mouche a pourtant tout pour plaire : elle est belle, elle est très répandue, elle s'approche volontiers des humains, ... Parfaite, vous dis-je.

Belle bête n'est ce pas ? Ce scolopendre mesurait plus de 10 centimètres. Et il était magnifique. Les reflets sur sa carapace étaient sublime et il se laissa admirer pendant de long instants. A la différence des autres figurants de cet article, celui-ci peux s'en prendre efficacement à l'humain : sa morsure est très douloureuse. Cela justifie-il un coup de chaussure bien ajusté ? Certainement pas et je vais en profiter pour énoncer une fois de plus un principe qui gagnerait à être connu : les animaux ne sont pas méchants, ni gentils. Si de telles bestioles vous mordent, piquent ou pincent, ce sera suite à un dérangement de votre part. Chez les humains on appelle ça de la légitime défense. Chez les animaux, il s'agit de survie.

Si vous ne vous sentez pas l'âme d'un entomologiste, ayez au moins l'obligeance de laisser tranquille ces bestioles. Je ne peux vous obliger à les aimer, je peux vous demander de les protéger.

A bientôt

PS : Je vous conseil vivement d'aller voir le film Océan qui passe en ce moment, c'est une merveille.