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samedi 19 mai 2012

Gorges de l'Allier - Pré à Combret

Après quelques explorations au bord de l'eau, retour au gîte, à Combret, où nous allons profiter de notre dernière matinée dans les gorges de l'Allier pour nous faire tout petits et explorer le petit pré en contrebas de notre logement, une jungle luxuriante d'orties et de pissenlits.


Difficile d'avoir une vue dégagée au milieu de cet enfer vert !
Qu'est-ce donc qui se cache derrière les herbes ? est-ce le dos poussiéreux d'un éléphant des forêts que l'on aperçoit ?


Après avoir écarté le voile de feuillage à coups de machettes, nous pouvons enfin reconnaître l'énorme animal qui broute devant nous : Helix pomatia, l'Escargot de Bourgogne. Avec sa coquille de 5 centimètres de diamètre, c'est le Duc des escargots, le véritable pachyderme, que dis-je ! le diplodocus de ce pré.


Horreur ! la montagne de chair blanc-crème et baveuse darde ses tentacules et se tourne vers nous ! va-t-elle nous engloutir ? Non, heureusement le Duc est un paisible herbivore et veut seulement nous faire un bisou. Puis il disparaît à nouveau au coeur de son domaine touffu, rongeant et avalant tous les végétaux qui se trouvent sur son passage dans d'effroyables bruits de mastication et ne laissant derrière lui qu'une traînée de bave large comme une quatre-voies.


Quelques mètres plus loin, nos pas nous amènent tout droit sur... un anaconda !


Réfugiés en haut d'une tige, nous pouvons constater que le reptile anguiforme qui nous a effrayé n'est pas un gigantesque boïdé mais un orvet femelle. Quel plaisir de voir pour une fois ce lézard sans pattes en un seul morceau, et non coupé en deux quand ce n'est pas en quatre par un chat errant, une roue de vélo ou encore une bêche de fermier. Pour plus de renseignement sur ce reptile, dirigez-vous . Moi, je crois que je vais attendre qu'il s'en aille pour redescendre de mon herbe...

dimanche 13 mai 2012

Gorges de l'Allier - Sentier


Sortons un instant la route de Prades à Langeac pour prendre le sentier forestier qui s'en sépare en remontant un petit torrent qui vient se jeter dans l'Allier.


L'humidité ambiante semble parfaitement convenir aux légions de limaces noires qui tapissent le sous-bois. Il s'agit probablement d'Arion ater, extérieurement identique à la limace rousse Arion rufus, encore que leurs colorations respectives peuvent varier et que, d'après le Guide des escargots et limaces d'Europe de delachaux et niestlé, certains auteurs considèrent ces deux espèces comme deux variétés d'Arion ater.


Au bord du cours d'eau, des iules, petits myriapodes allongés et cylindriques à deux paires de pattes par segment, arpentent les troncs de hêtres de leurs deux bonnes centaines de membres. Ne disposant pas de sources assez précises sur les Myriapodes, je ne m'avancerais pas trop pour identifier le spécimen de la photo, bien qu'il corresponde relativement à la description de Tachypodoiulus albipes ("l'iule à pieds rapides à pieds blancs" !) du guide Insectes d'Europe occidentale de Chinery : un iule qui s'enroule sur lui-même en cas de danger et grimpe aux arbres pour en brouter la mousse.


Un peu plus loin, revoilà un crache-sang, que l'on avait déjà pu observer au bord de l'Allier à Prades.


Enfin, à un détour du chemin, j'ai croisé ce vieil escargot de Bourgogne à demi encoquillé. Nous auront très bientôt l'occasion d'observer quelques uns de ses congénères, qui pullulent litéralement dans les gorges de l'Allier...

lundi 7 mai 2012

Gorges de l'Allier - Route de Prades à Langeac

En quittant Prades, empruntons la route D48 qui relie le hameau à la petite ville de Langeac en passant à travers les gorges de l'Allier. Le ciel, couvert dans la matinée, s'est dégagé dans l'après-midi, réchauffant rapidement l'air et promettant de belles sorties de reptiles.


Le premier d'entre eux à montrer ses écailles est une vipère aspic (Vipera aspis) toute rousse, d'environ 60 cm. Après avoir traversé la route, elle se réfugie au creux d'un muret en pierre d'où elle ne laisse dépasser que sa tête, ce qui me permet de la photographier sous tous les angles.


Un profil caractéristique : grosse tête triangulaire et museau légèrement retroussé.


D'autres serpents ont eut moins de chance avec les voitures, cet après-midi, comme cette jeune couleuvre de 20 centimètres qui s'est manifestement fait rouler sur la tête :


Ses écailles carénées trahissent une couleuvre d'eau ; trapue et zébrée comme une vipère, c'est sans doute une jeune couleuvre vipérine (Natrix maura). Elle est souvent décrite comme la plus aquatique de nos couleuvres, se nourrissant de poissons et de divers invertébrés aquatiques, aussi n'est-il guère surprenant de la rencontrer au bord de l'Allier.


La nuit venue, une troisième espèce de serpent se risque sur le macadam encore chaud, avec heureusement plus de succès que la couleuvre vipérine : malgré son collier jaune, ce n'est pas une couleuvre à collier mais une jeune couleuvre d'Esculape (Zamenis longissimus) de 30 centimètres dont les motifs bigarrés disparaîtront avec l'âge.

lundi 30 avril 2012

Gorges de l'Allier - Prades

Ces dernières vacances de février, j'ai effectué un voyage en Haute-Loire, dans les gorges de l'Allier. Une région magnifique, où résonnèrent jadis les grondements des volcans et de la bête du Gévaudan... C'est pourquoi les prochaines semaines seront consacrées à quelques unes des randonnées que j'ai pu y expérimenter.


L'Allier à Prades. A l'arrière-plan : la Roche Servière.

La première longe l'Allier sur sa rive droite, en partant de Prades.


La Roche Servière. Nottez les orgues volcaniques, à droite.

Ce petit hameau est dominé par la Roche Servière ; cette coulée de lave de 90 mètres de haut arbore de superbes orgues de basalte hexagonales dues à un refroidissement lent de la roche. La partie supérieure de la formation, moins régulière probablement à cause d'un refroidissement plus lent, abrite une colonie de virvoltantes hirondelles de rochers.


Cependant, on y trouve également quelques habitants plus discrets, comme le Crache-sang (Timarca tenebricosa). Alors que cette chrysomèle géante a les élytres soudés, cet autre coléoptère aurait bien du mal à seulement les joindre :


Voici l'Enfle-boeuf (Meloe sp.), reconnaissable entre tous à sa bedaine hors normes. Complètement obèse, le pauvre animal traîne derrière lui son abominable abdomen comme une monstrueuse remorque. L'allure qu'elle lui confère est si grotesque qu'on croirait que son corps est en fait constitué des restes de deux insectes de tailles différentes, cousus entre eux par quelque Frankenstein entomologique.


Avec un tel handicap, l'Enfle-boeuf n'est guère difficile à capturer, le plus délicat de l'opération consistant à prendre soin de ne pas faire éclater son abdomen distendu comme un raisin trop mûr. Ce n'est qu'une fois entre nos doigts qu'il dévoile son arme secrète : un liquide jaunâtre et nauséabond, qui semble être expulsé par les yeux et les articulations.
Darwin lui-même n'aurait pas parié un penny sur la survie d'une bestiole pareille.


Quelques dizaines de mètres en amont, le règne végétal nous ramène à des êtres mieux proportionnés avec la belle Lunaire annuelle, ou Monnaie-du-pape (Lunaria annua), qui s'est déjà faite remarquée ici en compagnie d'autres plantes vernales.
Sur ce, je vous laisse vous rincer les yeux sur cette beauté et vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles images des gorges de l'Allier.

samedi 31 mars 2012

La route de l'estran

Avant que l'île de Noirmoutier ne soit reliée au continent par un pont, il fallait, pour s'y rendre, attendre que la mer soit assez basse pour traverser l'estran à pied. Une course contre la marée, au coeur d'un territoire hostile infesté de crabes et semé de sables mouvants ! Pour faciliter le passage des véhicules, la voie la plus empruntée, le passage du Gois, fut à partir du XVIIIème siècle balisée, empierrée, pavée, et enfin goudronnée pour aboutir au tableau surréaliste que l'on peut admirer aujourd'hui : une départementale submersible de 4,2 km, traversant le bras de mer de part en part.


Le Gois à marée basse vu du haut d'une balise en bois, en direction de l'île de Noirmoutier.

Cette route de l'estran est la plus longue en son genre de France et même, selon le site officiel du Gois, de toute l'Europe. J'ai pu la traverser pendant les dernières vacances de février, un matin, à marée basse.


Sur l'île, au bord du Gois, ce lézard des murailles a choisi un drôle d'endroit pour thermoréguler : un tas d'algues pourrissantes.


Un visiteur inattendu...

Alors que la mer remonte, les grandes vasières de part et d'autre du Gois se couvrent de canards et de limicoles : bernaches cravants, tadornes de Belon, bécasseaux variables, barges à queue noire, courlis corlieux, tournepierres, pluviers argentés, huîtriers pies, grèbes castagneux, vite rejoints par un busard des roseaux en maraude. Parmi tous ces oiseaux je finis par apercevoir, comme perdu au milieu du troupeau d'échassiers, un petit animal rond et poilu qui se dandine nerveusement...


Le rat musqué pique un sprint au milieu des algues.

Manifestement, c'est un gros rongeur. Il s'approche de moi, assez près pour que je puisse le toucher, avant de se cacher sous une grosse pierre du bord du Gois. Mais j'ai eu le temps de l'identifier : c'était un rat musqué, reconnaissable à sa tête de rat plate et à sa queue comprimée latéralement, alors que le Ragondin a la queue ronde et une tête plus typée avec des moustaches blanches et des incisives orange. Curieuse apparition de la part d'un mammifère que l'on observe d'habitude en eau douce !


A la fin de la journée, la mer a entièrement recouvert le macadam, et le Gois nous gratifie de quelques dernières visions surréalistes comme ces panneaux à demi submergés. Pour rentrer, il va falloir prendre le pont.

samedi 31 décembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 8 : Marée basse dans les rochers (3/3)

Vu les merveilles que l'ont vient d'observer dans les flaques de l'estran rocheux depuis la surface, on peut se demander quelles surprises nous réservent ses abysses. Pour le savoir, enfilons nos scaphandres et descendons au fond de la cuvette...


Crabe vert raclant une patelle

Bienvenue dans le royaume du Crabe vert ! Carcinus maenas règne en maître au fond de son cloaque putride, il dévore tout ce qui passe à sa portée ! La grosse Patelle peut bien se cramponner à son rocher, rien ne résiste à la pince du monstre caparaçonné...


Il y en a toujours un pour manger l'autre...

... pas même ses propres congénères !


Dorris verrucosa

Heureusement que la belle Doris verrucosa est là pour apporter un peu de poésie à ce monde de brutes...
Cette limace de mer de 5 à 7 cm de long se nourrit d'éponges ; elle arbore à son extrémité postérieure un magnifique panache de tentacules sur lesquels sont disposés les branchies.
Tous les individus que j'ai observés à Pénestin étaient jaune d'or voire orange, mais il en existe aussi de plus ternes : blancs, gris, parfois avec des bandes latérales sombres.


Doris au fond d'une grotte, à marée basse

La Doris verruqueuse craint la déshydratation. Sitôt émergée, elle court se réfugier dans une anfractuosité sombre et humide d'où elle ne sortira pas avant le retour de la mer.


Gobie varié (Pomatoschistus pictus)

Pour finir, voici le poisson typique des flaques de l'estran : le Gobie. Une poignée d'espèces assez ressemblantes peuvent se retrouver dans les cuvettes. Ici, je penche pour un gobie varié (Pomatoschistus pictus).

La semaine prochaine, ne manquez pas le dernier épisode des Chroniques de l'estran : Les Pinces de l'estran...

lundi 26 décembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 7 : Marée basse dans les rochers (2/3)

Le relief de l'estran rocheux a de quoi donner du fil à retordre aux sandales les mieux attachées. C'est un véritable continent en miniature, avec ses pics, ses cols, ses plateaux, ses gorges et même ses lacs, des cuvettes taillées par l'érosion que la mer vient remplir à marée haute et qui, à marée basse, constituent autant d'aquariums naturels où les explorateurs les plus courageux pourront voir évoluer les monstres marins qui s'y sont laissés piéger.


Cuvette sur la plage de Loscolo

Ces mares salées abritent en effet un grand nombre de gastéropodes, bivalves, poissons et crustacés divers, mais aussi quelques organismes dont l'anatomie nous est moins familière, telles les fameuses anémones de mer...


"Tomate de mer", tous tentacules dehors !

On en rencontre plusieurs espèces dans les flaques salées ; la plus commune de toutes est Actinia equina. Elle se présente sous la forme d'un polype, dont la couleur varie du brun au rouge vif, fixé par un pied cylindrique de 5 cm de diamètre, avec une petite bouche-anus au sommet, ornée d'une couronne de 200 tentacules urticants (indolores pour l'Homme) qui y rabattent les crustacés et les petits poissons dont elle se nourrit, avant d'en rejeter les restes par le même orifice.
Typique de l'estran, le gluant animal se complaît dans ce milieu changeant, capable de rétracter à volonté ses tentacules pour les préserver de la dessiccation lorsqu'elle se retrouve émergée, à marée basse. Elle prend alors l'aspect d'un gros bubon rougeâtre posé sur les rochers, d'où son surnom, très inspiré, de "tomate de mer" ou "anémone tomate".


Anémone de mer verte

Contrairement à la "tomate de mer", l'Anémone de mer verte (Anemonia viridis) est incapable de rétracter ses tentacules ; les cuvettes d'eau sont donc bien les seuls endroits où l'on peut en observer sur l'estran. C'est fort dommage, car c'est de loin la plus belle de toutes les anémones de mer, avec sa longue chevelure verte aux pointes violettes !
Les anémones de mer appartiennent à l'embranchement des Cnidaires, comme les méduses et les coraux, mais en cherchant bien, on peut dénicher dans ces flaques des animaux à l'ascendance encore plus étonnante...


Ascidies japonaises trouvées au fond d'une cuvette

... comme l'ascidie Styela clava, l'Ascidie japonaise (ou Ascidie plissée).
Je ne saurais mieux vous décrire cet animal qu'en le comparant à une sorte de "coeur" pompant, recrachant, brassant de l'eau de mer pour en extraire dioxygène et nutriments. Une "poche" vivante trouée de deux syphons, enveloppée dans une "tunique" de cellulose (!) qui a donné son nom au sous-embranchement des Tuniciers auquel appartiennent les Ascidies, dont la biologie est si bizarre que je ne me riquerais pas à en faire un compte-rendu, lequel serait trop bref, trop imparfait, trop inexact pour en apprécier la complexité. Consultez plutôt les cours en ligne de Mer et littoral à ce sujet, qui sont très bien faits.
On peut en revanche signaler que ces animaux nous semblent d'autant plus étranges que l'étude de leurs larves les range dans l'embranchement des Cordés, aux même titre que les Vertébrés !
On rencontre de nombreuses espèces d'ascidies, solitaires ou en colonies, au large de nos côtes. Comme son nom l'indique, l'Ascidie japonaise est cependant originaire de l'est du Pacifique et aurait été introduite accidentellement dans les années 1950 par des bâtiments de guerre occidentaux de retour de Corée, sur la coque desquels elle a dû se fixer.


Portrait de crevette

Plus familières, les crevettes du genre Palaemon sont très communes dans les flaques, si bien qu'il est difficile d'y jeter un coup d'épuisette sans en ramasser une pleine poignée ! On en distingue une demi-douzaine d'espèces, qui se ressemblent toutes. Ici, je ne sais pas trop de laquelle il s'agit... y a-t-il un expert dans la salle ?

A la semaine prochaine pour de nouvelles chroniques de l'estran !

samedi 3 décembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 6 : Marée basse dans les rochers (1/3)

Après avoir goûté aux charmes morbides des laisses de mer, intéressons-nous à l'estran rocheux.
Aux yeux des estivants les plus douillets, l'endroit apparaît pour le moins inhospitalier, comme un désert de pierre tapissé d'huîtres coupantes et d'algues glissantes. Il n'en est pas moins grouillant de vie. Mais pas de vie telle qu'on la connaît à l'intérieur des terres : non, je vous parle d'une vie horrible, gluante, tentaculaire, une vie telle que l'on n'en rencontre qu'au fond des mers, et que l'estran ne daigne révéler qu'à marée basse. Alors, profitons du recul des eaux pour explorer ce territoire étrange et incroyable, et découvrir les bêtes immondes qui hantent ses abîmes...


L'estran rocheux de la plage de Loscolo

Ces dernières sont bien malmenées par le flux et le reflux de l'Atlantique ; quotidiennement noyées par l'océan, séchées par le soleil et salées par les embruns, elles n'ont souvent le choix qu'entre se cramponner vigoureusement aux rochers ou se cacher au fond d'une crevasse humide. A ce jeu, les coquillages sont sans doute les plus forts : patelles, pholades, moules, littorines, troques, bigorneaux et crépidules pullulent aussi bien sur que dans la roche. Cependant, quelques photos ne suffiraient pas à donner un aperçu satisfaisant de leur prolifération ostentatoire, aussi va-t-on se contenter, pour cette fois, d'animaux plus discrets et plus originaux.


Ligia oceanica en maraude (2-3 cm). En Méditerranée, cette espèce est remplacée par Ligia italica, très semblable.

Commençons par la zone la plus haute de l'estran, celle qui n'est submergée qu'à l'occasion des grandes marées. C'est le domaine de la petite Ligie (Ligia oceanica). Elle passe y passe le plus clair de son temps abritée dans les fentes rocailleuses pour éviter la déshydratation, mais sort de sa cachette à marée basse pour arpenter l'estran en quête de nourriture - animaux et végétaux en décomposition. Si l'on excepte les longs uropodes qui prolongent l'arrière de son corps, on la prendrait volontiers pour un cloporte ; et pour cause, elle appartient comme eux à l'ordre des Isopodes, petits crustacés aplatis à sept paires de pattes et aux yeux sessiles (sans pédoncules).


Les colonies de balanes qui recouvrent l'estran rocheux finissent par former une sorte de revêtement antidérapant naturel.

Mais laissons les ligies tranquilles et descendons quelques mètres plus bas : on constate que les rochers se couvrent aussitôt de colonies entières de balanes. De loin, leur forme conique évoque celle de petites patelles. Il n'en est rien : ce sont des crustacés appartenant à la sous-classe des Cirripèdes, qui vivent fixés sur à la roche et ne s'entrouvrent qu'à marée haute, quand les vagues viennent lécher leurs minuscules carapaces, pour filtrer l'eau ruisselante et en extraire le plancton dont ils se nourrissent. Il en existe de nombreuses espèces ; celles observables sur l'estran, dont la taille varie entre 5 mm et 2 cm, se répartissent principalement entre les genres Balanus et Chthamalus. Plus petites, les balanes du genre Amphibalanus se fixent également sur les coquillages, mais il faut être un expert pour arriver à toutes les différencier !


Anatife (5 cm) accroché à une caisse en bois

Mais au fait, pourquoi Cirripède ? Le mot vient bien sûr du latin : cirrus signifiant "mèche de cheveux" et pes, pedis "pied". Un pied à mèche ? L'étymologie prend tout son sens lorsque l'on regarde un cousin des balanes, l'Anatife (Lepas anatifera), un cirripède qui se fixe, non pas aux rochers, mais aux débris flottants : on voit alors effectivement un pied, le pédoncule (dont les balanes sont effectivement dépourvues), fixé au support, armé de plaques qui laissent dépasser des appendices en forme de mèche appelés cirres : ce sont d'anciennes pattes modifiées et couvertes de soies qui filtrent l'eau.


Alvéoles d'hermelles

Un autre filtreur vit encore plus bas : l'Hermelle (Sabellaria alveolata). On détecte facilement la présence de ce minuscule ver de quelques centimètres de long aux structures en nid d'abeilles que produisent ses colonies : des récifs constitués de tubes de grains de sables agglutinés pouvant atteindre 30 cm de haut. Les hermelles vivent dans les alvéoles de ces récifs ; elles se cachent au fond à marée basse et font dépasser le haut de leur corps, armé de tentacules, à marée haute pour capturer le plancton dont elles se nourrissent.
A Pénestin, ces récifs sont souvent abîmés par les ramasseurs d'huîtres si bien que leur taille n'est jamais très imposante. Néanmoins, il en existe de vraiment colossaux à la Baie du Mont Saint Michel où ils sont protégés. On peut en voir des photos sur le site de DORIS.

A suivre...

samedi 12 novembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 3 : Laisses de mer (2/2)

On pourrait penser qu'admirer les laisses de mer, c'est aussi agréable que de ramasser des champignons. Pourtant, sur l'estran, pas question d'errer dans la pénombre d'un sous-bois humide et corrompu. Sur l'estran, c'est le nez dans les embruns et les cheveux au vent qu'on fouille le sable et les algues aux arômes iodés, préalablement déchaussé pour apprécier le contact de la vase voluptueuse - au risque de s'ouvrir le pied sur une coquille d'huître inopportune. Les sandales à la main et l'appareil photo autour du cou, poursuivons ainsi notre exploration des laisses de mer.


A gauche : oeufs de raie (Raja undulata ?)
A droite : oeuf de petite roussette

On peut tomber sur plusieurs sortes de capsules rectangulaires. Ce sont des oeufs de poissons cartilagineux.
Certaines sont noires, larges, cornues et mesurent de 5 à 15 cm : elles peuvent appartenir à huit espèces de raies et font l'objet d'un suivi par l'Association Pour l'Etude et la Conservation des Sélaciens (APECS) : le programme CapOeRa. Une plaquette d'identification est téléchargeable ici, sur le site de l'APECS.
Attention à ne pas les confondre avec cette autre capsule : plus petite (6 cm), allongée et de couleur jaunâtre, c'est l'oeuf de la Petite Roussette (Scyliorhinus canicula).


Petite Roussette

Ce petit requin de 80 cm vit sur les fonds sableux où sa robe beige tachetée de noir lui permet de se dissimuler pour mieux surprendre ses proies (mollusques et crustacés). On l'appelle aussi "chat de mer", sans doute à cause de ses grands yeux ovales et noirs.
On peut également trouver des oeufs de Grande Roussette (Scyliorhinus stellaris), une espèce proche mais deux fois plus grande (1,5 mètre) et dont les capsules, bien que très ressemblantes, atteignent 10 cm de long.


Laminaire à bulbe

Certaines algues brunes, vivant généralement au delà de l'estran, se démarquent des autres une fois échouées par leurs formes inhabituelles et leur taille impressionnante. Ces Laminaires sont constituées de trois parties : un crampon qui les maintient fixées aux rocher, le stipe, une "tige" dure comme du cuir, et enfin la fronde.
La plus grande est la Laminaire à bulbe (Saccorhiza polyschides) : son crampon est surmonté d'un "bulbe" imposant, granuleux et informe, son stipe est aplati et orné d'ondulations appelées falbalas et sa fronde découpée en forme de lanières. Le tout peut atteindre plusieurs mètres de long.


Baudrier de Neptune

Voilà une autre laminaire : la Laminaire sucrée (Saccharina latissima) ou Baudrier de Neptune. Plus gracile que la précédente, elle se reconnaît à sa fronde en forme de ceinture ondulée et texturée en forme de queue de crocodile. Le stipe est rond et les crampons n'ont pas de bulbe.


L'épave mystérieuse...

Mais l'océan a encore mieux à offrir que des oeufs de requin et des algues difformes : au pied de la falaise, les vagues ont déposé une bien curieuse épave, rapidement abordée par une bande de goélands marins affamés. Qu'est-ce ?

Réponse dans le prochain épisode !

samedi 5 novembre 2011

Les Chroniques de l'estran, Episode 2 : Laisses de mer (1/2)

Au fur et à mesure que la marée baisse, l'estran se couvre d'amas d'algues, de plumes de mouettes et de bois flotté rejetés par les flots. Mais au milieu de la puanteur et des mouches, on trouve quelques déchets plus intéressants qui font de la plage une véritable vitrine de la faune et de la flore sous-marines.


Plage jonchée de laisses de mer

Toutes ces ordures sont appelées "laisses de mer". A peine échouées, elles sont assaillies par des légions de décomposeurs divers et variés (diptères, coléoptères voire crabes audacieux) auxquels le naturaliste devra disputer sa trouvaille s'il compte l'examiner de près, activité recommandable qui vous permettra de vous familiariser avec les laisses de mer les plus courantes que je vais maintenant vous présenter.


Rhizostoma octopus échouée sur le "dos"

Pour inaugurer ce festival de monstruosité, voici la méduse la plus commune de Bretagne : Rhizostoma octopus. Pouvant atteindre un mètre de diamètre, elle est heureusement inoffensive pour l'Homme puisqu'elle ne mange que du plancton et ne possède pas de tentacules venimeux à proprement parler, mais seulement huit bras qui lui ont valu son nom scientifique (octopus => "huit pieds"). Ces derniers entourent la bouche placée sous l'ombrelle, énorme, qui renferme le système digestif et les organes génitaux.


Rhizostoma octopus échouée dans le bon sens. En Méditerranée, elle est remplacée par une espèce à peu près identique : Rhizostoma pulmo.

Sur son pourtour, celle-ci est dentelée et ornée d'un joli petit liseré bleu, tentative dérisoire de faire oublier l'odeur abjecte qui se dégage du cadavre, lequel semble d'ailleurs si immonde qu'aucun charognard ne se risque à le consommer. Heureusement, les rayons ardents du soleil breton auront tôt fait de faire fondre cette abomination, qui s'en retournera à la mer sous forme de coulée laiteuse dégoulinant le long de la plage.


Ponte de buccin

Moins impressionnante mais plus énigmatique, voilà une laisse de mer courante surnommée "raisin de mer" ou encore "savonnette de mer". Cet amas ressemblant à un bloc de polystyrène altéré par l'eau de mer, qui peut atteindre la taille d'un ballon de foot, est en réalité composé de centaines d'oeufs de buccin (Buccinum undatum), un gros gastéropode carnivore.

Buccin (6 cm de haut)

Eponges dessécuées et tests d'oursin (Psammechinus miliaris)

On peut aussi ramasser quelques spécimens plus discrets, comme ces petites éponges silicieuses (une identification assez hasardeuse me fait pencher pour le genre Haliclona), animaux rudimentaires qui s'alimentent en filtrant l'eau à travers les pores de leur corps. Aucun véritable organe ; des cellules flagellées appelées choanocytes tapissent les parois internes de l'organisme et assurent la circulation de l'eau.
Ou encore ces trois tests d'oursin : c'est ainsi que l'on appelle le squelette externe de ces charmants échinodermes épineux une fois vidé de son hôte.

A suivre...