samedi 7 août 2010

Les Dents de la mare, épisode 5 : De pinces et de rostres

Après cette entracte divertissante, la série évènement de Quelques images de la nature refait surface, et avec elle le bestiaire lovecraftien qui nous est cher.
Votre feuilleton de l'été se poursuit donc avec, dans cet épisode, non pas une, ni deux, mais bien trois bestioles inédites toutes plus effrayantes les unes que les autres.
Dans la lignée de la Notonecte de l'épisode précédent, voici une première nouvelle punaise aquatique vorace, également dangereuse pour le pêcheur ("Le rostre perce la peau humaine." nous précise le Guide de la vie des eaux douces de Malcolm Greenhalgh et Denys Ovenden ; je n'ai malheureusement pas eu l'honneur de me faire trouer la peau par cet insecte) : le Naucore (Ilyocoris cimicoides).


Portrait.

La première paire de pattes, terminée par deux crochets attrapeurs, est utilisée comme une pince par la punaise pour attraper ses proies (de petits invertébrés aquatiques). La ressemblance est d'ailleurs frappante avec les chélicères d'une araignée, qui ont le même usage. La troisième paire de pattes est frangée de poils et sert de nageoires, à l'image de celle d'un dytique.


Ventre de Naucore.

En admirant sa face ventrale, vous remarquerez que cette punaise utilise (en gros) la même astuce que la Notonecte et les coléoptères aquatiques pour emmagasiner de l'air en continuant à nager sous l'eau, à savoir se constituer une réserve en bulle du précieux mélange gazeux sous l'abdomen.
Si vous trouvez que la morphologie de cette punaise reste relativement banale, étonnez-vous à présent des formes monstrueuses de la suivante :


Une silhouette d'arachnide, mais il manque quelques pattes...

La Nèpe (Nepa cinerea) est en effet beaucoup plus originale : comme vous pouvez le constater, elle n'a pas volé son surnom de "scorpion d'eau". Les deux pattes avant évoquent une paire de pinces, tandis que l'étrange prolongement abdominal rappelle l'abdomen venimeux du célèbre chélicérate languedocien.
Heureusement, le "scorpion d'eau" est bien moins dangereux pour l'Homme que son homologue terrestre. A vrai dire, la Nèpe, si elle en a les moyens, perfore les doigts assez rarement. Elle est plutôt pacifiste sur ce point, aussi n'ai-je jamais eu à me plaindre de la moindre incision belliqueuse.



Deux nèpes en plein accouplement décident subitement de casser la croûte et harponnent une larve de dytique.

Mais sa tolérance envers les photographes n'empêche pas la voracité de reprendre le dessus au retour en immersion. En effet, si elle est plutôt sympathique à tenir en main, la Nèpe n'en est pas moins un féroce prédateur adepte du danonisme ("tu plantes et tu aspires"). La proie, parfois aussi grosse que la Nèpe elle-même, est d'abord attrapée par les deux pattes ravisseuses (du même modèle que celles du Naucore), puis amenée au rostre thanatophore, qui transperce la victime et aspire son contenu comme un Velouté Fruix.



Accouplement des mêmes nèpes.

Mais à quoi peut bien servir ce long appendice, au bout de l'abdomen ? Rassurez-vous, ce n'est pas une seringue géante mais un tuba, dont il suffit de faire émerger l'extrémité pour absorber de l'air avant de le stocker sous les élytres.
Si elle n'est pas dépourvue d'ailes, la Nèpe semble incapable de voler, contrairement aux coléoptères aquatique comme le Dytique. Heureusement pour elle, sa ressemblance avec une feuille décomposée (qui transparait moins bien sur fond de plastique blanc que sur fond vaseux) suffit souvent à la protéger d'éventuels prédateurs, mais pas de la sécheresse...
A présent, place au géant : la Ranâtre (Ranatra linearis), colosse subaquatique de 3 à 4 cm de long.



Son cet angle, on peut aussi penser à un gerris.

Son allure dégingandée s'éloigne encore plus de celle d'une punaise terrestre trapue que ne le faisait la Nèpe et son apparence de scorpion-feuille-morte. Ici, on penserait plutôt à un genre de phasme d'eau douce. Mais alors que son corps de brindille nous rappelle le placide herbivore camouflé, ses pattes avant agripeuses, équivalant maresque de celles de la Mante religieuse (cf. un excellent article à ce sujet), nous dévoilent sa vraie nature. Car, derrière son corps de végétal mu par des déplacements extrêmement lents, se cache, vous l'avez deviné, un redoutable carnassier mangeur de têtards.



La Ranâtre.

Appartenant à la même famille que la Nèpe, les Népidés (encore une fois, l'originalité est au rendez-vous), la Ranâtre s'alimente et respire donc de la même façon.
La lenteur excessive de ses mouvements met le pêcheur à l'abri des piqûres. Le seul véritable danger pour l'Homme est... l'accent circonflexe, à placer sur le deuxième a.

Prochainement sur le blog, ne ratez pas : Les Dents de la mare, Épisode 6 : Les Dholes...

3 commentaires:

Marie-Anne a dit…

voilà des "bestioles" que je n'ai jamais rencontrées que dans des guides d'entomo!

merci de nous les faire découvrir!

Nicolas MOULIN a dit…

Je crois bien me rappeler avoir chopé une ranâtre au 1er camp LPO lorsqu'on cherchait les sonneurs, d'ailleurs t'était avec nous Igor?

Anonyme a dit…

Merci grâce a toi j'ai pu avancer dans mon Dm d'svt
vive les bébétte xD