Dans les nouvelles de Démons et merveilles, Lovecraft nous apprend que le pays du rêve est hanté de "Dholes blanchâtres et visqueux" qui se cachent dans "les tunnels primitifs qui criblent la planète" ; plus loin le lecteur découvrira que les Dholes ont aussi un féroce appétit, puisqu'ils n'hésitent pas à sortir de leur trou pour gober les rêveurs imprudents.
A cette description horrifique semble correspondre un autre être, bien terrien celui-ci, mais tout aussi monstrueux, l'inattendu Porte-bois.
Les Porte-bois, parfois utilisés comme appâts pour la pêche à la ligne, sont des larves d'un ordre d'insectes prospère (entre 350 et 400 espèce en Europe occidentale) appelé Phryganes ou Trichoptères. Les adultes ressemblent un peu, au premier coup d'oeil, à des papillons de nuit bizarres, mais leurs larves sont bien plus remarquables.
Des porte-bois aux étuis en gravillons, observés (pour l'anecdote) dans un petit ruisseau du lointain Cantal appelé la Sansoire.
En effet, la plupart des espèces n'ont à leur éclosion aucune sorte de carapace pour protéger leur corps mou et blanchâtre des rigueurs du milieu ambiant (une mare ou un ruisseau). Pour palier cette fâcheuse carence, elles ont recours à une astuce innovante parmi les différentes larves aquatiques qui consiste à s'abriter dans une gaine artificielle appelée fourreau, que le jeune insecte assemble avec sa soie à partir de tout ce qu'il peut trouver au fond de son trou d'eau, c'est-à-dire des graviers aux feuilles mortes en passant par les indémodables bouts de brindille. C'est ce fourreau qui a donné à de nombreuses larves de phryganes le nom judicieux de Porte-bois. L'abri obtenu doit comporter deux trous :
- Un premier, à l'avant, par lequel la larve peut sortir sa tête et ses pattes pour ramper au fond de l'eau.
- Et un second, à l'arrière, à travers lequel elle expulse ses déchets naturels.
La présence de deux orifices est aussi une condition sine qua non pour que l'eau circule dans la gaine protectrice, permettant aux branchies de faire leur travail.
Une fois le charmant invertébré sorti de son fourreau, la comparaison avec un Dhole prend tout son sens...
Omnivore, le Porte-bois se nourrit de tout, parfois de feuilles morte et de sève de roseau, parfois de larves plus petites, quand ce ne sont pas des insectes plus gros (éphémères, phryganes adultes ou libellules) tombés à l'eau. Chaque jour, son appétit, qui n'a rien à envier à celui des énormes Dytiques, le pousse ainsi à engloutir trois fois son propre volume de nourriture.
Passant sa vie larvaire à l'intérieur de son confortable fourreau, le jeune trichoptère se métamorphose en nymphe à l'intérieur, à l'air libre mais en sécurité, accroché à une tige de roseau, avant de l'abandonner définitivement pour rejoindre la terre ferme et achever la métamorphose ultime qui fera de lui une phrygane adulte, pour une bonne vingtaine de jours.
P.S : Un artiste (Hubert Duprat) qui n'avais rien d'autre à faire que d'embêter les petite bêtes a un jour eu l'idée saugrenue de sortir les charmantes bestioles de leur fourreau puis de les remettre dans un bocal ne contenant que des paillettes d'or et des petites pierres précieuses. Eh bien croyez le ou non, les invertébrés se mirent sans plus tarder à construire leur fourreau avec ce qu'ils avait sous la main (la patte, pardon), donnant naissance à la forme de vie la plus kitsh de l'histoire du monde.
Et prochainement, ne ratez pas la fin de la saga : Les Dents de la mare, épisode 7 : Le Gang des larves masquées...
Et prochainement, ne ratez pas la fin de la saga : Les Dents de la mare, épisode 7 : Le Gang des larves masquées...
9 commentaires:
Bravo pour cette série sérieuse, littéraire et ludique (sauf pour les proies) !
J'attends la suite... parlera-t-elle des "dents" des tritons, des larves de libellules, des ragondins... le suspens m'est insoutenable...
Je ne voudrais pas briser un aussi beau suspens. La série n'est effectivement pas encore terminée, mais je ne vous dirais pas sur quoi porteront les épisodes suivant.
moi aussi, j'attends la suite !!!
ça alors, c'est trop, ces fourreaux de phryganes en or ! L'idée est très amusante. Par contre, je me demande dans quelle mesure Hubert Duprat a laissé vivre ses travailleuses forcées jusqu'à leur transformation en adultes (ce qui serait un minimum !), ou bien si ils les a zigouillées dès qu'elles ont eu fini leur travail.
Super tes derniers articles Lucas, bon courage pour les suivants.
Merci, merci, mais tous les épisodes des Dents de la mare sont de moi, c'est-à-dire Igor, sauf le PS du dernier, ce sera donc Lucas qui répondra à ta question, Mad.
Ouaouhhh !!! trois fois son volume de nourriture par jour... Ca fait rêver !
Désolé Igor pour la confusion, je trouve donc tes articles géniales! Donc si je comprend bien, cette série célèbre ton grand retour sur le blog! Je te souhaite de très bon articles et à bientôt.
Mad => L'histoire ne dit pas si l'artiste à rendu leur liberté à ces animaux. Pour ma part, je dirais qu'il les a balancées dans le trou ou il les avait trouvé, mais ce n'est qu'une supposition.
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