Dysticus marginalis n'est pas un cas unique : il existe de nombreuses autres espèces de coléoptères aquatiques que l'on peut retrouver dans les mares.
La famille des Dysticidés comporte notament, outre les différentes espèces du genre Dysticus qui ressemblent toutes au Dytique marginé et ne sont pas toujours très faciles à différencier, un genre qui sort un peu du lot, au stade larvaire comme au stade adulte : Acillius sulcatus.
Deux spécimens d'Acillius : un mâle (en haut) et un femelle (en bas).
Proche parent du Dytique marginé, il partage ses diverses adaptations à la vie aquatique dont nous avons parlé dans l'épisode précédent (pattes frangées de poils, bulle d'air renouvelable, hydrodynamisme). C'est lui aussi un féroce prédateur, qui préfère néanmoins généralement s'attaquer à de plus petites proies que son gros cousin en raison de sa moindre taille (jusqu'à 2 cm). Le mâle et la femelle se distinguent par leurs élytres : ceux du mâle semblent lisses et glabres alors que ceux de la femelle sont creusés de profonds sillons couverts de poils jaunâtres.
Larve d'Acillius. Notez la petite tête tachetée au bout du long prothorax si caractéristique.
La larve est quand à elle diffère encore plus du Dytique marginé : rappelez-vous l'effrayant monstre qu'était sa larve, avec sa grosse tête et ses crochets démesurés... Rien à voir à première vue avec la larve d'Acillius, étrange animal que l'on est d'abord tenté de classer aux côtés de la Crevette grise tant son gros abdomen dodu et sa petite tête insignifiante l'éloigne de la carrure musclée de la larve de Dysticus. Cette larve unique en son genre ne figure pas dans le guide de Michael Chinery (en réalité, c'est peut-être pour ça qu'elle semble sortir de l'ordinaire...). Heureusement, elle est impossible à confondre et grâce à cet article vous pourrez la reconnaître du premier coup d'oeil, si vous tombez dessus à l'occasion (on ne sait jamais). Toutefois, le comportement des deux larves est assez semblable dans les grandes lignes. La larve d'Acillius se nourrit de la même façon que la larve de Dysticus (... avec ses tout petits crochets !) et respire à l'aide du même procédé (tube digestif qui fait office de tuba).
L'Hydrophile.
Les Dysticidés ne monopolisent cependant pas l'espace aquatique des coléoptères. Sans parler des familles plus discrètes et des petits gyrins, on peut s'attarder sur un dernier coléoptère, dont Pierre Déom disait, dans son numéro "spécial mares" de La Hulotte, que si les Dytiques étaient les "tigres de la mare" ce serait lui un "éléphant d'eau douce". Effectivement, ce gros insecte que l'on appelle Hydrophile (Hydrophilus piceus) est le plus gros coléoptère aquatique d'Europe (5 cm et plus !). Contrairement aux Dytiques, redoutables carnassiers, l'Hydrophile est un paisible végétarien qui se nourrit exclusivement de végétaux aquatiques (à considérer donc comme une parenthèse dans notre saga, consacrée avant tout aux prédateurs). C'est également un piètre nageur, mais de toutes façons il n'a pas de proies à poursuivre, et sa ressemblance avec une feuille de potamot (il en a à la fois la couleur, la forme et la taile !) suffit souvent à le camoufler aux yeux des prédateurs. Il est tout de même en régression dans une grande partie de la France, car très sensible à la pollution.
On distingue ici les réserves d'air de l'Hydrophile, qu'il stocke sous son thorax tout comme les Dytiques.
Si il ressemble à première vue à un gros dytique, l'Hydrophile et ses voisins carnivores n'ont aucun lien de parenté : à la manière des Dysticidés qui descendent des Carabiques (ou plutôt qui ont un ancêtre commun avec les Carabiques modernes), l'Hydrophile descederait d'un tout autre groupe de coléoptères, les Scaraboidés (Hannetons, Cétoines et consorts), connus pour être essentiellement de paisibles herbivores, comme les Carabes sont connus pour être des carnassiers notoires. La ressemblance extérieure entre un dytique et un hydrophile s'explique par une convergence évolutive : les deux lignées ont sélectionné les mêmes adaptations à la vie aquatique aux mêmes contraintes liées à cet environnement.
L'Hydrophile, sans être finalement directement concerné par le sujet de la saga, est finalement un si bon exemple d'évolution convergente avec les Dytiques qu'il aurait été dommage de passer à côté.
Et prochainement, ne ratez pas : Les Dents de la mare, Episode 4 : L'Abeille d'eau...
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