vendredi 22 avril 2011

Les Plantes vernales, épisode 3 : Anémone sylvie

Une fois n'est pas coutume, nous avons aujourd'hui décidé de donner la parole à celle qui sera l'objet ne notre article. C'est donc armé d'un magnétophone et d'un sandwich tomate-tofu-gruyère-cornichon que je me suis rendu dans le petit bois du coin de chez moi pour y rencontrer notre héroïne du jour. Aimable, elle accepta tout de suite mon interview et posa même pour quelques photos. Voila la retranscription de ce dialogue.



Portrait 3/4 face de l'intéressée. Aucune confusion n'est possible grâce à ses fins pétales blancs et à ses feuilles, que nous verrons plus tard.

Lucas : Pour commencer, pourrait-on savoir d'où vient votre nom ?

Anémone : Mon nom, mon nom, c'est bien vite dit. J'imagine que vous voulez parler du nom que vous m'avez donné. C'est bien les humains ça, ça donne des noms et c'est incapable de se souvenir de qu'ils veulent dire. (Elle soupire) Mais enfin, je suis patiente, alors allons-y. Pour commencer, mon nom latin (ou plutôt grec en l'occurrence) est Anemone nemorosa. Anemone vient du mot anemos, signifiant vent. Il parait que ce nom vient du fait que mes fleurs blanches se balancent doucement dans la brise, explication poétique qui me plait bien. Quand à nemorosa, il signifie tout simplement des bois. Et en effet j'adore pousser dans les forêts ou en lisière. Mais n'allez pas croire que je suis difficile, je pousse aussi dans les champs, sur le bords de chemins et dans tout un tas d'endroit parfois farfelus.


Notre héroïne dressée comme un lampadaire éclairant le ciel. En arrière plan, quelques une de ses consœurs.
L : Ce qui m'a marqué plusieurs fois, c'est le fait que vous soyez souvent regroupées en coussins ou en tapis. Vous aimez bien pousser en groupes n'est-ce-pas ?

A : Ma foi oui, et si je ne m'abuse vous faites de même. Après tout, il est plus agréable de pouvoir discuter tranquillement avec ses semblables. Et puis il y a le côté pratique. Pourquoi croyez vous que je fleuris : pour ma reproduction pardi ! Et un insecte qui tombe sur un tapis de nos fleurs blanches étincelantes sera envouté par cette multitude d'éclats blancs. Je vous passe les détails, mais il ne fait aucun doute qu'avec une pareil campagne de pub, nous serons toutes fécondées avant la fin de la saison. (Elle prend un air mystérieux) D'ailleurs, avez vous remarqué que nos fleurs sont toujours orientée vers le soleil ?

L : Ça par exemple, c'est exact ! Y a-t-il une raison à cela, ou est-ce juste pour permettre aux promeneurs de faire de belles photos ?

A : Si cela vous arrange, tant mieux, mais la vraie raison n'est pas là. En fait nos fleurs sont de formidables réflecteurs à rayons UV, rayons lumineux provenant directement du soleil et attirant fortement les insectes. Nos fleurs sont pour eux ce que les enseignes aux néons sont pour vous.

L : Formidable ! Et puisque vous parlez de néons, permettez moi de vous poser une question qui porte à débat : vous livrez vous réellement à la publicité clandestine, comme l'ont affirmé certains ? Attendez une seconde, je crois que j'ai ici la photo qui a suscité ces remarques. (Je fouille ma sacoche et fini par dénicher la sus-dites photo, qui servait de marque page dans mon guide "Toutes Les Fleurs d'Europe").


L : Voila, d'aucuns disent que vos feuilles sont en fait une publicité à la gloire de la marque automobile Mercédès. Il est vrai que la ressemblance avec leur logo est frappante. Qu'en est-il dans la réalité ?

A : (Elle a l'air excédée) Ce n'est pas la première fois que j'entend parler de ces rumeurs, et à chaque fois elles m'énervent un peu plus. Figurez-vous que, une fois de plus, vous prenez l'affaire à l'envers : ce n'est pas moi qui ai copié ces andouilles motorisées mais bien l'inverse. Croyez moi, mes sœurs et moi existons depuis bien plus longtemps que tous vos bolides pétaradants. (Au fur et à mesure qu'elle parle, ses pétales se hérissent et ses feuilles se mettent à trembler, de colère semble-t-il) Pour faire du bruit vous êtes très forts, mais pour imaginer un logo vous êtes obligés de copier une malheureuse fleur, et sans lui demander son avis bien évidement. J'applaudis des deux pétioles !

L : Je suis heureux d'apprendre que les fleurs des bois n'ont pas encore succombé à la société de consommation. Et tiens, en parlant des voitures et de leur vitesse, j'aimerais vous poser une question que je me pose depuis bien longtemps : qu'est ce que cela fait de ne pas bouger de toute sa vie ?

A : (Sincèrement étonnée) Ne pas bouger de toute sa vie ? Doux Jésus, mais cela doit être terriblement ennuyeux ! D'où sortez-vous une idée pareille ?

L : (Perplexe) Vous voulez dire que ce n'est pas votre cas ?

A : Grand dieux non ! Ce n'est pas parce que vous ne me voyez pas courir les bois comme ces délinquant de chevreuils que je ne me déplace pas. Ma racine souterraine (que vos savants nomment rhizome) pousse chaque année un peu plus, ce qui fait que mes fleurs sont chaque année un peu plus loin que l'année précédente. Alors certes, inutile de ma comparer à un faucon, je ne pousse que de 2 ou 3 centimètres par an. Mais mine de rien cela nous fait quand même du ... (Elle calcule avec difficulté, n'en ayant probablement pas l'habitude. Normal pour une plante qui n'est jamais allée à l'école.) ... 0.000000003 km/h ! Ma fois, c'est tout à fait honorable pour une plante de ma taille.
Bon, je ne cherche pas à vous mettre dehors (d'ailleurs vous y êtes déjà), mais il commence à faire un petit peu trop humide, cela ne m'étonnerais pas qu'il se mette à pleuvoir d'ici peu. J'ai horreur de la pluie, elle abîme mon précieux pollen alors si cela ne vous embête pas je vais fermer boutique pour aujourd'hui. A bientôt ! (Elle incline la fleur vers le bas et ses pétales se referment, étanche à la pluie ou à la rosée)

Sur le chemin du retour, je fus effectivement surpris par une averse.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

C'est chouette, cette série sur les plantes vernales. J'attends la prochaine avec impatience.