mardi 19 avril 2011

Les Plantes vernales, épisode 2 : Stellaire holostée

Les noms un peu barbarse que portent nombre de plantes et animaux ne sont que rarement destinés à embêter les naturalistes débutants. La plupart d'entre eux ont un sens, bien caché derrière des racines grecques et/ou latines. Et ces noms, une fois analysés, disséqués et traduits, peuvent nous apprendre tout un tas de chose sur celui ou celle qui le porte. Alors, aussi souvent que cela me sera possible, je vous dévoilerais les mystères des noms des fleurs printanières. Commençons, si vous le voulez bien.


Voilà l'héroïne de notre feuilleton du jour : la Stellaire holostée. Aucun problème pour la reconnaître : ses fleurs à pétales doubles (en oreilles de lapin) et ses feuilles longues et pointues interdisent toute confusion.

Stellaire holostée, ou Stellaria holostea pour les savants. Examinons ce noms. Stellaria, pour commencer, signifie "étoile", faisant référence à la forme des fleurs de notre sujet. Mais c'est le deuxième mot qui nous en apprendra le plus sur notre délicate héroïne. Holostea vient en effet du grec Holos-osteon, ce qui signifie "entièrement composée d'os". Étonnant n'est-ce-pas ? En effet, sa tige forme des segments élargis aux deux bout évoquant vaguement des os. Petit détail problématique : les tiges sont à sections carrées. Il faut croire que du temps des Grecs anciens les os n'avaient pas encore la forme pseudo-cylindrique qu'ils arborent aujourd'hui. De plus ces tiges cassent facilement, ce qui a conduit nos ancêtres à croire la Stellaire toute indiquée pour soigner les fracture, selon la théorie des signatures (d'après laquelle chaque plante médicinale porte sur elle un symbole de la misère qu'elle est censée guérir).


 Les stellaires, si elles poussent parfois seules, aiment généralement à se regrouper en troupes plus ou moins serrées. C'est parfois de véritables cousins qui éclatent en une multitude d'éclats blancs purs, offrant un spectacle féérique à qui voudra bien l'observer.

La Stellaire, loin d'être une plante rare ou difficile, apprécie toutes sortes d'endroits pour pousser. On remarque tout de même certaines tendances : la petite blanche apprécie particulièrement les lisières, bordures embroussaillées et autres talus bien éclairés. Vérifiez le fond de votre jardin, surtout le coin à gauche, celui qui n'a pas vu la tondeuse depuis plusieurs années et qui commence à être reconquis par les ronces et les hautes herbes. C'est sûrement là que la gracile immaculée aura ouvert, en toute discrétion, sa corolle éclatante, imitant modestement les astres célestes qui décorent le ciel nocturne.
Une petite étoile de terre, voilà ce qu'elle est.

A bientôt.

dimanche 17 avril 2011

Les Plantes vernales, épisode 1 : Pervenche

Par la malpeste, quel titre barbare ! Il est vrai que les termes employés sont quelques peu spécialisés, aussi voici, en guise d'introduction, l'explication de cet intitulé complexe.
Si l'on regarde bien, l'unique terme à poser problème est "vernales". Eh bien sachez que ce mot, appliqué aux végétaux, désigne les plantes qui fleurissent très tôt. Les premières fleurs du printemps, en somme.
Cela dit, sachez que ces plantes ne fleurissent pas tôt pour faire profiter aux mélancoliques des douceurs printanières. Les fleurs, malgré toutes les bonnes intentions qu'on peut leur prêter, sont beaucoup plus pragmatiques. Si elles fleurissent tôt, c'est pour éviter toute concurrence déloyale de la part des autres végétaux. Elles sont le plus souvent assez petites pour pousser vite, avant la sortie de plantes plus grandes et surtout avant que les feuilles des arbres ne repoussent, leur ravissant la lumière du soleil.
Ces fleurs, souvent très jolies malgré leur simplicité, c'est maintenant qu'il faut les observer. Alors voici toute une série d'articles qui portera sur ces beautés discrètes et éphémères.

Et pour commencer, je vous parlerais de celle qui est probablement la plus connue du grand public.


 Alors, elle ne vous dis rien ? Si bien sur, vous aurez reconnu la Petite Pervenche (Vinca Minor, pour les intimes). Cette fleur, malgré sa taille somme toute modeste, a fait l'objet de tous les honneurs. Pensez donc : on lui a dédié une couleur, ce qui n'est pas rien. Comble de la consécration, on a donné son nom à un personnage du Cluedo ! C'est dire si elle nous a fasciné. 


Il faut avouer aussi qu'elle est superbe, avec ses cinq pétales disposés en moulin à vent. Et pour couronner tout ça, elle adore former des colonies immenses en sous-bois, véritables tapis de vert et de bleu étendant ses teintes chatoyantes jusque dans l'ombre noueuse des vieux arbres, gardiens ancestraux de ce temple aux vivants piliers. Un émerveillement pour nous autres, admirateurs de ces chefs-d'œuvre végétaux.


Adorant les sous-bois, cette délicate se vois obligée de fleurir tôt, avant que les feuilles des arbres ne repousse et fasse de l'ombre à son modeste éclat. Seulement voila, fleurir tôt c'est s'exposer inévitablement au risque de n'être pas pollinisée par les insectes, ces petits frileux détestant sortir avant les beaux jours, les vrais. Qu'a cela ne tienne, la pervenche dispose de plus d'un tour dans sa hampe florale. Si elle ne peut guère se reproduire de façon sexuée, elle le fera autrement. Lançant une contre-offensive d'envergure, elle déploiera nombre de stolon, petites tiges aérienne qui iront faire des racines un peu plus loin pour donner un nouveau plan, clone du précédent. Et c'est ainsi qu'année après année se forment ces tapis de pervenches qui émerveillent chaque printemps une poignée de rêveurs.
Je vous espère être l'un d'entre eux.

A bientôt.

samedi 9 avril 2011

Accouplement de Cybister

Les mares de nos campagnes abritent toute une pléiade de coléoptères aquatiques. L'année dernière, nous étions déjà partis à la rencontre de quelques éminents représentants de cet ordre : le redoutable Dytique marginé, le paisible Hydrophile et le petit Acilius.
Aujourd'hui, nous nous intéresserons à une nouvelle espèce : Cybister lateralimarginalis.


Cybister lateralimarginalis

Voici le Cybister : cet insecte se présente comme une sorte de gros dytique (2-3 cm) en forme d'oeuf, avec la tête et le pronotum plus étroits que chez le Dytique marginé. De plus, seuls les bords extérieurs présentent le liseré jaune.


L'amour aquatique

Mais voilà, le printemps est là et avec lui, la saison des amours est arrivée. En exclusivité sur le blog, vous pourrez donc assister à un accouplement de Cybister !


La tête en bas...

Chez cette espèce, le dimorphisme sexuel est moins marqué que pour le genre Dysticus : alors que leurs femelles ont les élytres striés, celle du Cybister est aussi lisse que son mâle. Seule différence apparente : la première paire de pattes du mâle est pourvue de ventouses qui lui permettent de s'agripper au dos de la femelle pendant l'accouplement. 


... et les jambes en l'air !

Comme l'acte amoureux a lieu sous l'eau, le couple ainsi formé doit régulièrement remonter à la surface pour renouveler sa réserve d'air. On voit ci-dessus le mâle soulever ses élytres pour prélever un peu du précieux mélange gazeux qui lui permettra de continuer à féconder la femelle.
Mais laissons nos deux tourtereaux à leurs ébats : on ne sait que trop bien quels petits monstres ils vont engendrer...

mardi 5 avril 2011

Chirocephalus ou Siphonophanes ?

Ah, le printemps : des feuilles dans les arbres, des fleurs dans les prairies et... des monstres grouillants dans les mares.
Pour inaugurer cette nouvelle saison pleine d'invertébrés aquatiques plus dégoulinants les uns que les autres, voici une créature désossée inédite : pas encore un insecte, non, mais un crustacé. Et quand je dis crustacé, je ne parle pas de fruits de mer, mais d'une classe majeure du règne animal. Comme les Insectes, ce sont des Arthropodes (pattes articulées) munis d'une carapace de chitine, mais parfois renforcée de calcaire. Leur nombre de pattes varie fortement d'un groupe à l'autre. De plus, à part les Cloportes, ils sont essentiellement aquatiques et donc munis de branchies. Les plus connus du grand public sont les Malacostracés (crabes, crevettes, homards, cloportes, etc), surtout marins, mais il ne faut pas oublier que l'eau douce de l'intérieur des terres abrite elle aussi son lot de crustacés, principalement représentée par la sous-classe des Branchiopodes.


Ce taxon prestigieux regroupe notamment les Daphnies, dont les carcasses desséchées nourrissent les poissons de nos aquariums, et les Artémies qui colorent le plumage des flamants roses de Camargue. En voici un autre membre moins célèbre, Chirocephalus. Ou Siphonophanes. Difficile à déterminer à l'œil nu, ces deux genres incluant à peu près le même animal : une sorte de petite "crevette" qui nage sur le dos en battant dans l'eau ses 22 petites pattes poilues. Pas de membres sur l'abdomen, terminé par deux petites "griffes" appelées furca, appendice bifide typique du groupe.


Comme l'indique le nom Chirocephalus, signifiant à peu près en grec "tête à mains", la tête est pourvue d'appareils buccaux particulièrement développés, sans oublier les deux yeux montés sur des pédoncules.


A la manière de nombreux autres Branchiopodes, ses œufs peuvent survivre à la dessiccation, ce qui est plutôt pratique quand on vit dans des mares temporaires susceptibles de s'assécher en été.
Un crustacé bizarre qui nage sur le dos, c'est plutôt pas mal pour commencer la saison, non ? Et encore ! ça ne fait que commencer...